Le premier avril dernier, Philippe Labarre (le célèbre auteur de Relations d'incertitude) fut attaqué violemment, ligoté et bâillonné par un individu à l'air familier: petit, chauve et suspicieusement séduisant, son parfum évoquait des notes délicates d'huile à moteur, de champagne et de billets verts. Le malfaiteur anonyme put ainsi s'emparer pour quelques jours du très populaire blogue québécois et y diffuser ses conceptions philosophiques plutôt marginales auprès d'un très large public. Philippe Labarre, qui a toujours aimé même ses ennemis, a tenu à archiver pour la postérité ce que son agresseur a publié en son nom. Voici donc le palmarès Intensités rivales des sept meilleures choses meilleures que d'autres choses.
No. 7 – La vitesse
La vitesse clenche tout ce qui est pas vite et tout ce qui bouge pas. Quant à moi, ça devrait suffire à lui garantir une place au palmarès. Ajoutons quand même que la vitesse, on peut pas s'en passer. Genre, pas de vitesse égale pas de
mouvement égale pas de physique égale pas de pistes de course, pas d'armes
semi-automatiques, pas de rush d'adrénaline, pas de lumière (parce que pas de
vitesse de la lumière). Je sais, dit de même ç'a l'air poche la « lumière ». Sauf qu'il faut essayer d'imaginer un monde sans spotlight, un monde où y'a rien qui flashe, un monde où le
Swimsuit Edition de Sports Illustrated™ serait en braille ou en audio. Le sein
que personne ne peut voir existe-t-il? Sans vitesse, pas moyen non plus de
dépasser les autres. Il faudrait s'imaginer un monde sans carrière fulgurante, un monde sans
dépassement de coûts, un monde où on pourrait plus se faire gicler des bouteilles de champagne les uns sur les autres. Ostie que ça serait fif! Bon, je sais que dans les « livres »,
la vitesse est définie par rapport à un observateur, que c'est une
notion « relative ». Maudits livres à marde! La mort, est-ce que c'est
relatif? Parce que pas besoin d'autre chose qu'une TV pour savoir que la vitesse tue... surtout l'observateur assez cave pour se mettre sur son chemin.
Meilleure vitesse : la vitesse de la lumière émise par une balle de fusil tirée par Jacques Villeneuve en train de gagner une course de F1.
No. 6 – Les ninjas
Les ninjas sont meilleurs que la vitesse parce qu'en plus
d'être vites, ils sont invisibles: les ninjas clenchent la
lumière. Ça, ça veut dire que ton best buddy est peut-être un ninja pis tu le
sauras jamais. Sauf s'il est gros. Alors là, je veux pas te faire de peine, mais ton best buddy, c'est pas un ninja. En plus, les ninjas ont un équipement malade mental, genre James
Bond, mais sans batterie et impossible à hacker. Ils ont des masques noirs et
de la fumée pour que personne puisse les reconnaître quand ils vont assassiner
des tas d'autres ninjas en public. Ils ont des griffes et des grappins full hot
pour aller dans les buildings avec les systèmes de sécurité les plus high-tech et assassiner des diplomates avec leurs pitounes class, des PDG avec leurs
pitounes chicks (ou des chefs d'État avec leurs épouses poches). Ils ont même des
chaussures flottantes pour pouvoir assassiner des milliardaires criminels (et leurs
pitounes sex) même quand ils se cachent à l'intérieur de leurs yachts parkés en
doubles dans les eaux internationales. Les ninjas ont tout ce qu'il faut pour
frapper, assommer, percer, transpercer, trancher, démembrer, décapiter
inaperçus. Ils sont comme les chirurgiens de la mort. Ils peuvent tuer précisément
et silencieusement tout ce qui bouge.
Meilleur ninja: celui qui est derrière toi en ce moment! Il est déjà parti. T'es déjà mort.
No. 5 – Le bruit
On dit que le silence est d'or. On oublie souvent d'ajouter
que le bruit est ben plus fort. C'en est même pathétique. Je
sais, je sais, le silence serait plus « profond », plus « spirituel » que le bruit. Sauf que partout où il y a du bruit, le silence se sauve comme un
pas d'couilles. Qui est vraiment le plus fort? Jusqu'à l'an passé, y'avait
pas moyen de savoir et c'est pour trancher la question une fois pour toutes que
UFC a organisé un combat extrême entre le bruit et le silence. Le silence est
le premier à être monté dans l'octogone, déguisé en ninja, marchant lentement,
pesant cérémonieusement chacun de ses pas, comme un moine pas rapport. Pendant
ce temps-là, le public fermait sa yeule, comme sur le point de s'endormir tellement le
silence était platte. Qu'est-ce qui est arrivé? Dès que le bruit est arrivé
dans la salle avec un chandail déchiré tatoué sur son chest trop musclé, la foule s'est mise à hurler à mort. Est-ce que le silence est resté sur
l'octogone? Crisse que non! Plus moyen de l'entendre, plus moyen de le voir
nulle part. Le silence avait choké encore une fois. Mais il s'en est
certainement pas sorti pour autant. La décision des juges fut unanime: le bruit
avait littéralement tué le silence.
Meilleur bruit: « VROUM VROUM!!!», dans le sens de « J'vas t'écraser mon crisse de piéton sale!!! »
No. 4 – Les shotguns
Toutes les armes sont meilleures que ce qu'elles tuent, mais elles
ne sont pas toutes également meilleures. Certaines sont plus rapides. Comme le
katana : « excusez-moi, est-ce que vous auriez un peu de monnaie pour…» Slash!
Une tête de quêteux de moins sur la terre. Certaines peuvent tuer plus de
ninjas d'un seul coup. Comme la bombe atomique. Même à seulement 1% de la population,
des milliers de ninjas on dû être torchés avant même de pouvoir entendre ce qui se
passait à Hiroshima. Certaines armes font quant à elles beaucoup de bruit. Comme une
Mercedes sans silencieux, dont on fait crier le moteur, pour « avertir »
quelqu'un qui traverse trop lentement l'intersection. Mais LA meilleure arme,
c'est le shotgun. Rapide, puissant, bruyant, et surtout très convaincant, son
seul nom suffit bien souvent. Besoin de s'asseoir sur le siège avant? « Shotgun!
» Besoin de la dernière bière du
six-pack? « Shotgun! ». Et quand vient le temps d'abattre une horde de
morts-vivants, de faire un retrait d'un million à la banque ou de faire les nouvelles, rien ne vaut un vrai shotgun capable de peinturer en rouge tout
ce qui a le malheur d'exister dans un beau gros cône jumbo de cent mètres devant soi.
Meilleur shotgun : celui avec lequel vous allez toujours «gagner» à roche, papier, ciseaux.
No. 3 – Le format
jumbo
Il faut m'excuser, mais il va falloir être
«philosophique» pendant deux minutes. Parce que le format jumbo,
c'est un peu genre « l'essence » du meilleur. On peut toujours aller plus vite,
faire plus de bruit et provoquer plus de dommages violents. C'est ce qu'on
appelle le progrès. Mais on ne peut pas dépasser le format jumbo. Mettons par
exemple que quelqu'un veut devenir le ou la (soyons philosophes jusqu'au bout) propriétaire d'un multiplex de 32 salles IMAX / 3D / ULTRA AVX. Mettons
aussi que ce quelqu'un n'est pas un loser fini, genre « je vais y aller une étape à la
fois ». Qu'est-ce que ce quelqu'un pourrait faire pour continuer à progresser? Bien des
choses intenses et explosives. Par exemple bâtir trois nouvelles
salles, les munir de la toute nouvelle technologie d'immersion totale URINATORpro,
et charger 5$ de plus le billet. Mais ce que personne ne pourra jamais faire, c'est
créer un format de pop corn, de liqueur ou de chocolat plus gros que le jumbo. Parce
que ce format va devenir le nouveau jumbo. Le
format jumbo est tellement intense qu'il peut écraser rétroactivement tous les
anciens formats! Disons par exemple que quelqu'un crée un 5 litres de Coke à saveur
de Diesel-Shot-In-Your-Face à 9,90$. L'ancien format jumbo (4 litres à 9,40$) va
devenir le nouveau format large, l'ancien format large (3 litres à 8.90$) le nouveau
moyen, et ainsi de suite, jusqu'au nouveau format santé (2 litres à 7,40$). Avec le
format jumbo, même la santé tue!
Meilleur format jumbo (pour le moment): le Quadruple Bypass Burger.
No. 2 – Les boss
Qui est meilleur que toi à grimper vite dans l'échelle
sociale? Ton boss. Qui est meilleur que toi pour surveiller ce que tu fais? Ton boss. Qui est meilleur que toi pour obtenir la reconnaissance due
à tes idées ou à ton travail? Ton boss. Qui est meilleur que toi pour
éliminer quelqu'un qui ne lui sert plus à rien? Ton boss. Et qui est meilleur
que ton boss? Son boss. Il y a toutes sortes de boss. Certains sont si toughs qu'ils sont presque toujours en train de t'engueuler.
C'est parce qu'ils savent que tu vaux rien. Certains sont au contraire si cools, si friendly, si compréhensifs qu'ils ont l'air de vouloir devenir ton ami. C'est parce qu'ils ont appris à être comme ça en se tenant avec du monde bien meilleur que toi. Certains sont
tellement gros et bedonnants que leur chemise semble toujours sur le point d'éclater.
C'est parce qu'ils méritent de manger plus souvent que toi dans de meilleurs restaurants.
Certains sont au contraire tellement minces, tellement jeunes, tellement beaux,
tellement fringués que tu te sens toujours comme de la marde quand ils sont là. C'est parce qu'ils sont, qu'ils ont toujours été, qu'ils seront toujours meilleurs que toi. Même quand vous serez morts, toi à 72 ans, lui à 108 ans.
Meilleur boss : Gordon
Ramsay, filmé en train de traiter de sous-homme bon à se pendre le plus récent
sous-chef de son tout nouveau 132e restaurant, le Golden God,
avant d'aller se faire filmer en train de courir un double marathon en Afrique
du sud pour subventionner la lutte contre l'obésité juvénile.
No. 1 – Les palmarès
Certains prétendent que « nous sommes tous égaux », ou sinon que nous sommes tous « uniques » et « incomparables ». Non, mais c'est n'importe quoi. Si on peut peser une roche, on peut aussi peser un homme. That's it! Personne n'est incomparable et personne ne sera jamais égal. C'est pour ça qu'on fait des palmarès, c'est pour ça qu'on fait des
médailles d'or, c'est pour ça qu'on fait des ceintures noires. Pas pour donner des « rêves » aux jeunes moumounes qui veulent faire du patinage artistique « comme Patrick Chang quand je serai grand ». Encore moins pour donner confiance en soi aux p'tites filles qui veulent « faire » du karaté pour se défendre contre des gars plus pesants et meilleurs qu'elles. Et c'est surtout pas pour inspirer le « dépassement de soi » qu'on renouvelle chaque année le Livre des records Guinness, le Forbes 400 ou le dossier spécial
de La Semaine sur les dix filles les plus sexy du Québec. Tout se compte,
tout se mesure, tout se compare, et puis c'est toute. Malheureusement, les palmarès sont tous « partiels », « relatifs », imparfaits. La plupart ne parviennent pas à évaluer « complètement » l'être
humain. Ce qui nous manque apparemment encore, ce qu'il
faudrait absolument mettre au point, c'est un système de classement universel, grâce
auquel il serait possible de mesurer de façon certaine et une fois pour toutes
la valeur intrinsèque et totale d'un être humain. Inutile d'en douter, on va un jour y arriver. Il suffit de se battre assez fort.
Meilleurs palmarès : le niveau d'évolution spirituelle des personnages historiques les plus marquants (c'est pas parce qu'on est mort qu'on peut plus continuer à être le meilleur).
La lutte seule décidera!
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