Avant de poursuivre votre lecture, chère lectrice sensible
et intelligente (et cher lecteur), je dois vous avertir qu'aujourd'hui, je
suis vraiment, mais alors vraiment fâché!
Ou pour le formuler avec une élégance plus virile (c'est-à-dire
avec moins de mots cutes et inutiles)
: OSSETIE de CÔLISSE de TABARNAKKK!!!
Oui, j'ai sacré, en québécois malpropre et bien pendu, et je l'ai fait en mon nom, Philippe Labarre, sans « guillemets », sans italiques, sans distance ironique… et ça ne s'arrêtera pas là, chers amis, ça ne s'arrêtera surtout pas là! Vous aviez été avertis… vous ne le serez plus.
J'ai aujourd'hui un plan bien tracé et je vais le suivre.
Complètement. Jusqu'au bout. Comme un homme. Je vais me purger une fois pour
toutes d'un gros bouchon de colère qui me gêne l'intestin.
Je vais éjaculer toute ma fureur contenue depuis trop longtemps. Ou comme on dit plus poliment par chez nous, je
vais faire sortir le méchant...
Et laissez-moi vous dire que le méchant en moi, il est
beaucoup plus méchant, immoral, cruel et sadique que, je ne sais pas moi, par
exemple, le réalisateur du tout nouveau vidéoclip d'Indochine, College Boy. Vous devez savoir de qui je
parle, non? Le plus récent fameux jeune réalisateur marginal québécois de
génie? Qui a su prouver dans le scénario de Laurence
Anyways qu'à vingt-trois ans, il était capable d'imiter finement les
conversations d'adultes plus cultivés que lui? Xavier Dolan? Son vidéoclip,
regardez-le je vous en prie, serait d'une violence si inouïe qu'on l'a censuré en France. Il a même dû recevoir de durs coups sur la place publique, le pauvre, et se défendre en nous « expliquant » en quoi la violence de son œuvre
mal comprise avait en fait de belles vertus sensibilisatrices – dans de longues
phrases créatives et pleines de néologismes promis à un bel avenir (vous allez
sûrement réentendre parler d'objectualisation de la femme), de fautes d'orthographe d'une grande
audace esthétique (peut-on être empathique
sans être aussi emphatique?) et de
tours syntaxiques révélateurs d'une vaste culture (il faut avoir tout lu le
Moyen Âge pour comprendre ce que peut signifier une expression comme réinsérer des attributs dans la réalité).
Quand Xavier fait une scène, tout le monde regarde... |
Ça ne paraît peut-être pas comme ça, mais je ne
suis pas fâché contre Xavier Dolan. J'ignore même ce qui m'a pris... La seule réponse à peine méchante que
j'aimerais pouvoir faire aujourd'hui, du haut de mon prestigieux statut de
blogueur amateur / enseignant en littérature (qui plus est, au Cégep…), à ce
jeune qui écrit tout de même infiniment mieux que l'immense majorité de mes
étudiants, c'est que s'il venait un jour à quelque hurluberlu l'idée de
censurer ce que j'écris, je n'essaierais pas de trouver des excuses
moralisatrices, prétentieuses ou compliquées pour me justifier. Je lui
demanderais de relire, ou de lire au complet. C'est tout. Sachez sinon que j'admire littéralement tout
ce que fait Xavier Dolan quand il n'écrit pas. Et son clip, personnellement, je
ne l'ai pas du tout détesté. J'ai trouvé émouvante la représentation pas trop subtile de la jeune victime en crucifié de fête foraine. On n'a pas le luxe d'être subtil quand on se sent assez persécuté pour
trouver de la consolation dans le seul fait de ressembler au Christ. J'ai aussi été touché par la sensibilité un peu adolescente mais habile du
regard cinématographique, un regard en noir et blanc trop léché et trop artificiellement rétro, soit, mais un regard éloquemment indigné par notre aveuglement collectif devant un phénomène qui illustre, explique et justifie les pires sévices de l'Enfer. Y a-t-il quoi que ce soit de pire en effet que le plaisir cruel que certains prennent
à intimider et à humilier autrui, pourvu que ce soit facile, pourvu qu'il soit
faible, pourvu qu'on soit à plusieurs?
J'imiterai Xavier Dolan aujourd'hui, parce que comme lui, je suis fâché. Et si je suis si fâché, c'est comme lui parce qu'on a pris plaisir et qu'on continue à prendre plaisir à intimider et à humilier... des femmes. J'aime les femmes.
Et comme l'amour des femmes a de tout temps été clamé à tort et à travers par
les pires ennemis de la femme, qu'il soit clair et certain que quand je dis que
j'aime les femmes, je ne veux surtout pas dire que j'aime leurs fesses et leurs
seins pour autant que les proportions en soient convenables, je ne veux surtout
pas dire que j'aime ce côté intuitif et irrationnel qui les rendrait aptes à la
littérature ou à l'aménagement intérieur, mais inaptes à la science ou à la
politique, je ne veux surtout pas dire que j'aime leur faiblesse et leur
innocence toute maternelle devant les réalités brutales de la vie, que je les
aime corrigées et protégées par des hommes plus forts et plus intelligents qu'elles.
Oh que non! Quand je dis que j'aime les femmes, ce que je veux vraiment dire,
c'est crisse que les hommes sont cons!
Tous! À un degré ou à un autre, mais
c'est la seule nuance. Les hommes sont tous cons!
Qu'on ne me réplique pas que je suis injuste dans mon
féminisme, que « l'égalité des sexes doit aller dans les deux sens », que si
les hommes peuvent être cons, les femmes peuvent souvent quant à elles être
folles, hystériques, ou je-ne-sais-pas-quoi d'autre. Si vous êtes un homme,
vous avez probablement déjà pensé à cette réplique avant même que je ne
l'écrive. C'est parce que c'est une réplique de con. Et je sais que c'est une
réplique de con parce que je suis un homme et que j'y ai pensé moi aussi… Sauf
que ce à quoi j'ai aussi pensé, parce que je ne suis pas tout à fait con voyez-vous,
c'est que si j'étais une femme et que les hommes étaient aussi cons qu'ils le
sont, il est évident que je deviendrais folle moi aussi. Beaucoup plus
vite, beaucoup plus certainement et beaucoup plus complètement que la plupart
des femmes. Leur résilience à la connerie des hommes est tout à fait
extraordinaire. Mais quand les hommes sont cons, ils ne le deviennent pas,
ils le sont, un point c'est tout. Et quand il arrive parfois qu'ils deviennent un peu
moins cons, c'est uniquement grâce aux femmes. Parce que des hommes pas trop cons, ça
existe en effet. Ce sont des hommes qui ont porté une grande attention à ce que
pouvaient dire, à ce que pouvaient faire des femmes, et qui ont tenté maladroitement de les imiter. Vous connaissez la phrase
célèbre: « on ne naît pas femme, on le devient ». Sachez dorénavant qu'un homme naît con
et que sans femme, il le reste.
J'aime les femmes, donc, parce que je leur dois d'être un
peu moins con, et si je suis si fâché aujourd'hui, c'est parce j'ai fait hier
la découverte sur Facebook (notre bande-annonce quotidienne pour un film éternellement à venir et qu'il
faudrait intituler: Ce que l'homme devient), j'ai découvert donc qu'existait au très progressiste Royaume du Danemark une émission de télévision dont le con-cept (trop facile) a été très bien résumé, sans hystérie
me semble-t-il, dans la revue féminine Marie-Claire: « Le show, intitulé Blachman, se déroule toujours de la même
manière : une femme arrive sur le plateau habillée d’un peignoir qu’elle retire
face aux deux hommes assis dans le canapé. Debout, nue face à eux et sous les
projecteurs, elle encaisse les critiques de l’animateur Thomas Blachman, star
de la télévision danoise, et de son invité, un homme qui change à chaque
émission. […] Seins trop petits, fesses pas assez fermes ou encore cuisses trop
musclées… Les deux hommes n’ont pas de limites et critiquent la femme, nue,
qu’ils ont face à eux. » Vous êtes choqués, hein? Vous vous dîtes que des
marchands d'esclaves n'auraient pas agi autrement devant un spécimen exotique?
Vous vous dites qu'on ne peut pas humilier de façon plus perverse l'estime de
soi d'innombrables femmes, estime déjà sérieusement endommagée par notre culture du narcissisme, du simulacre et de l'envie?
Jean-Léon Gérôme, Le Marché aux esclaves (1866).
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Semblerait-il que vous vous trompez. Que vous êtes
réactionnaire en vous indignant ainsi contre la libre circulation des corps et
des idées. Parce que voyez-vous, selon Thomas Blachman, « le corps d'une femme aspire à
être commenté avec des mots. […] Je veux juste qu'elle sache ce que les hommes
pensent du corps d'une femme ». On dit en effet que savoir, ça émancipe…
CÂLISSE de CRISSE d'OSTIE de con de TABARNAK!!!
Moi, ce que je pense, c'est que c'est le corps de Thomas
Blachman qui aspire à quelque chose d'humiliant. Et pas juste des commentaires
critiques. Parce qu'un con du calibre de Thomas Blachman, c'est comme un porc,
ça a la couenne trop dure pour imaginer les blessures que peuvent provoquer de
simples mots. Non, ce qu'il faudrait pour qu'il comprenne quelque chose, c'est
l'humilier physiquement, c'est le torturer live,
devant l'humanité. Ce qu'il faudrait, c'est qu'on réalise une émission de fin
de saison où l'animateur misogyne, nu sur la scène, serait forcé de se défoncer
le crâne avec un marteau pour que toutes les femmes qu'il a humiliées puissent
commenter le peu de consistance de la substance cérébrale inutile qui se
mettrait à dégouliner. Ce qu'il faudrait, c'est qu'on lui attache le scrotum avec
du fil à pêche, qu'on tire juste assez fort pour que ça ne déchire pas tout à
fait, puis qu'on invite les femmes à rire de ses couilles pendantes de
vieillard ridicule. Ce qu'il faudrait, c'est qu'on le gave de dix kilos de
fumier, juste assez pour que son estomac explose, que le tout aille baigner ses
poumons, son cœur, son foie, et qu'on invite ensuite les femmes à rire de sa
grosse bedaine jaunasse d'obèse minable. Ce qu'il faudrait, c'est qu'on lui fracture les
deux bras avec une massue de pierre, que chaque os éclate en mille morceaux
irréparables, qu'on lui demande ensuite de soulever des poids classés du moins
lourd au plus lourd, et qu'on invite les femmes à rire de sa faiblesse
d'avorton incapable de soulever même d'un millimètre le poids le plus léger. Il
faudrait…
Non, ça ne fonctionne pas.
Je n'arrive pas à faire sortir le méchant. Il y en a
toujours plus et encore plus qui veut sortir. C'est sans fin. C'est sans fond.
Ça ne mène à rien. Et ça éclabousse partout inutilement.
Il faut croire que je suis encore con moi aussi.
Le pire, c'est qu'il me ressemble un peu, en plus beau... |
Parce que si je n'étais pas con, j'essaierais probablement
de ne pas me laisser emporter par la colère, et sans employer ni la force ni la
violence, avec toute la patience dont je suis capable, j'essaierais
de parler davantage aux Thomas Blachman de ce monde, de leur parler mieux surtout
de ces choses simples qu'ils ne parviennent pas à comprendre, comme l'amour,
comme le respect qui sont dus à chaque être à qui l'on peut dire tu.
J'essaierais de leur montrer par l'exemple comment être moins con. Je
n'arriverais peut-être à rien. Je ne suis peut-être pas un assez bon modèle. Et ils resteraient probablement aussi cons toute
leur vie. Mais je m'acharnerais quand même, aussi absurde que cela puisse
paraître quand on est con.
Le plus souvent, n'est-ce pas ce que font les femmes avec
les hommes?
Comment font-elles?
Non mais vraiment, comment font-elles? |
Si vous aimez, partagez...
Honte à ceux qui ont cherché cette image! Les rôles devraient sérieusement être inversés! |
Merci pour ce texte, moi, je la trouve libératrice ton «éjaculation de fureur».
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