jeudi 9 mai 2013

Quand on est con, on est con


Avant de poursuivre votre lecture, chère lectrice sensible et intelligente (et cher lecteur), je dois vous avertir qu'aujourd'hui, je suis vraiment, mais alors vraiment fâché!

Ou pour le formuler avec une élégance plus virile (c'est-à-dire avec moins de mots cutes et inutiles) : OSSETIE de CÔLISSE de TABARNAKKK!!!

Oui, j'ai sacré, en québécois malpropre et bien pendu, et je l'ai fait en mon nom, Philippe Labarre, sans « guillemets », sans italiques, sans distance ironique… et ça ne s'arrêtera pas là, chers amis, ça ne s'arrêtera surtout pas là! Vous aviez été avertis… vous ne le serez plus.

J'ai aujourd'hui un plan bien tracé et je vais le suivre. Complètement. Jusqu'au bout. Comme un homme. Je vais me purger une fois pour toutes d'un gros bouchon de colère qui me gêne l'intestin. Je vais éjaculer toute ma fureur contenue depuis trop longtemps. Ou comme on dit plus poliment par chez nous, je vais faire sortir le méchant...

Et laissez-moi vous dire que le méchant en moi, il est beaucoup plus méchant, immoral, cruel et sadique que, je ne sais pas moi, par exemple, le réalisateur du tout nouveau vidéoclip d'Indochine, College Boy. Vous devez savoir de qui je parle, non? Le plus récent fameux jeune réalisateur marginal québécois de génie? Qui a su prouver dans le scénario de Laurence Anyways qu'à vingt-trois ans, il était capable d'imiter finement les conversations d'adultes plus cultivés que lui? Xavier Dolan? Son vidéoclip, regardez-le je vous en prie, serait d'une violence si inouïe qu'on l'a censuré en France. Il a même dû recevoir de durs coups sur la place publique, le pauvre, et se défendre en nous « expliquant » en quoi la violence de son œuvre mal comprise avait en fait de belles vertus sensibilisatrices – dans de longues phrases créatives et pleines de néologismes promis à un bel avenir (vous allez sûrement réentendre parler d'objectualisation de la femme), de fautes d'orthographe d'une grande audace esthétique (peut-on être empathique sans être aussi emphatique?) et de tours syntaxiques révélateurs d'une vaste culture (il faut avoir tout lu le Moyen Âge pour comprendre ce que peut signifier une expression comme réinsérer des attributs dans la réalité).

Quand Xavier fait une scène, tout le monde regarde...

Ça ne paraît peut-être pas comme ça, mais je ne suis pas fâché contre Xavier Dolan. J'ignore même ce qui m'a pris... La seule réponse à peine méchante que j'aimerais pouvoir faire aujourd'hui, du haut de mon prestigieux statut de blogueur amateur / enseignant en littérature (qui plus est, au Cégep…), à ce jeune qui écrit tout de même infiniment mieux que l'immense majorité de mes étudiants, c'est que s'il venait un jour à quelque hurluberlu l'idée de censurer ce que j'écris, je n'essaierais pas de trouver des excuses moralisatrices, prétentieuses ou compliquées pour me justifier. Je lui demanderais de relire, ou de lire au complet. C'est tout. Sachez sinon que j'admire littéralement tout ce que fait Xavier Dolan quand il n'écrit pas. Et son clip, personnellement, je ne l'ai pas du tout détesté. J'ai trouvé émouvante la représentation pas trop subtile de la jeune victime en crucifié de fête foraine. On n'a pas le luxe d'être subtil quand on se sent assez persécuté pour trouver de la consolation dans le seul fait de ressembler au Christ. J'ai aussi été touché par la sensibilité un peu adolescente mais habile du regard cinématographique, un regard en noir et blanc trop léché et trop artificiellement rétro, soit, mais un regard éloquemment indigné par notre aveuglement collectif devant un phénomène qui illustre, explique et justifie les pires sévices de l'Enfer. Y a-t-il quoi que ce soit de pire en effet que le plaisir cruel que certains prennent à intimider et à humilier autrui, pourvu que ce soit facile, pourvu qu'il soit faible, pourvu qu'on soit à plusieurs?

J'imiterai Xavier Dolan aujourd'hui, parce que comme lui, je suis fâché. Et si je suis si fâché, c'est comme lui parce qu'on a pris plaisir et qu'on continue à prendre plaisir à intimider et à humilier... des femmes. J'aime les femmes. Et comme l'amour des femmes a de tout temps été clamé à tort et à travers par les pires ennemis de la femme, qu'il soit clair et certain que quand je dis que j'aime les femmes, je ne veux surtout pas dire que j'aime leurs fesses et leurs seins pour autant que les proportions en soient convenables, je ne veux surtout pas dire que j'aime ce côté intuitif et irrationnel qui les rendrait aptes à la littérature ou à l'aménagement intérieur, mais inaptes à la science ou à la politique, je ne veux surtout pas dire que j'aime leur faiblesse et leur innocence toute maternelle devant les réalités brutales de la vie, que je les aime corrigées et protégées par des hommes plus forts et plus intelligents qu'elles. Oh que non! Quand je dis que j'aime les femmes, ce que je veux vraiment dire, c'est crisse que les hommes sont cons!  Tous! À un degré ou à un autre, mais c'est la seule nuance. Les hommes sont tous cons!

Qu'on ne me réplique pas que je suis injuste dans mon féminisme, que « l'égalité des sexes doit aller dans les deux sens », que si les hommes peuvent être cons, les femmes peuvent souvent quant à elles être folles, hystériques, ou je-ne-sais-pas-quoi d'autre. Si vous êtes un homme, vous avez probablement déjà pensé à cette réplique avant même que je ne l'écrive. C'est parce que c'est une réplique de con. Et je sais que c'est une réplique de con parce que je suis un homme et que j'y ai pensé moi aussi… Sauf que ce à quoi j'ai aussi pensé, parce que je ne suis pas tout à fait con voyez-vous, c'est que si j'étais une femme et que les hommes étaient aussi cons qu'ils le sont, il est évident que je deviendrais folle moi aussi. Beaucoup plus vite, beaucoup plus certainement et beaucoup plus complètement que la plupart des femmes. Leur résilience à la connerie des hommes est tout à fait extraordinaire. Mais quand les hommes sont cons, ils ne le deviennent pas, ils le sont, un point c'est tout. Et quand il arrive parfois qu'ils deviennent un peu moins cons, c'est uniquement grâce aux femmes. Parce que des hommes pas trop cons, ça existe en effet. Ce sont des hommes qui ont porté une grande attention à ce que pouvaient dire, à ce que pouvaient faire des femmes, et qui ont tenté maladroitement de les imiter. Vous connaissez la phrase célèbre: « on ne naît pas femme, on le devient ». Sachez dorénavant qu'un homme naît con et que sans femme, il le reste.

J'aime les femmes, donc, parce que je leur dois d'être un peu moins con, et si je suis si fâché aujourd'hui, c'est parce j'ai fait hier la découverte sur Facebook (notre bande-annonce quotidienne pour un film éternellement à venir et qu'il faudrait intituler:  Ce que l'homme devient), j'ai découvert donc qu'existait au très progressiste Royaume du Danemark une émission de télévision dont le con-cept (trop facile) a été très bien résumé, sans hystérie me semble-t-il, dans la revue féminine Marie-Claire: « Le show, intitulé Blachman, se déroule toujours de la même manière : une femme arrive sur le plateau habillée d’un peignoir qu’elle retire face aux deux hommes assis dans le canapé. Debout, nue face à eux et sous les projecteurs, elle encaisse les critiques de l’animateur Thomas Blachman, star de la télévision danoise, et de son invité, un homme qui change à chaque émission. […] Seins trop petits, fesses pas assez fermes ou encore cuisses trop musclées… Les deux hommes n’ont pas de limites et critiquent la femme, nue, qu’ils ont face à eux. » Vous êtes choqués, hein? Vous vous dîtes que des marchands d'esclaves n'auraient pas agi autrement devant un spécimen exotique? Vous vous dites qu'on ne peut pas humilier de façon plus perverse l'estime de soi d'innombrables femmes, estime déjà sérieusement endommagée par notre culture du narcissisme, du simulacre et de l'envie?

Jean-Léon Gérôme, Le Marché aux esclaves (1866).
Thomas Blachman, Blachman (2013).

Semblerait-il que vous vous trompez. Que vous êtes réactionnaire en vous indignant ainsi contre la libre circulation des corps et des idées. Parce que voyez-vous, selon Thomas Blachman, « le corps d'une femme aspire à être commenté avec des mots. […] Je veux juste qu'elle sache ce que les hommes pensent du corps d'une femme ». On dit en effet que savoir, ça émancipe…


CÂLISSE de CRISSE d'OSTIE de con de TABARNAK!!!

Moi, ce que je pense, c'est que c'est le corps de Thomas Blachman qui aspire à quelque chose d'humiliant. Et pas juste des commentaires critiques. Parce qu'un con du calibre de Thomas Blachman, c'est comme un porc, ça a la couenne trop dure pour imaginer les blessures que peuvent provoquer de simples mots. Non, ce qu'il faudrait pour qu'il comprenne quelque chose, c'est l'humilier physiquement, c'est le torturer live, devant l'humanité. Ce qu'il faudrait, c'est qu'on réalise une émission de fin de saison où l'animateur misogyne, nu sur la scène, serait forcé de se défoncer le crâne avec un marteau pour que toutes les femmes qu'il a humiliées puissent commenter le peu de consistance de la substance cérébrale inutile qui se mettrait à dégouliner. Ce qu'il faudrait, c'est qu'on lui attache le scrotum avec du fil à pêche, qu'on tire juste assez fort pour que ça ne déchire pas tout à fait, puis qu'on invite les femmes à rire de ses couilles pendantes de vieillard ridicule. Ce qu'il faudrait, c'est qu'on le gave de dix kilos de fumier, juste assez pour que son estomac explose, que le tout aille baigner ses poumons, son cœur, son foie, et qu'on invite ensuite les femmes à rire de sa grosse bedaine jaunasse d'obèse minable. Ce qu'il faudrait, c'est qu'on lui fracture les deux bras avec une massue de pierre, que chaque os éclate en mille morceaux irréparables, qu'on lui demande ensuite de soulever des poids classés du moins lourd au plus lourd, et qu'on invite les femmes à rire de sa faiblesse d'avorton incapable de soulever même d'un millimètre le poids le plus léger. Il faudrait…

Non, ça ne fonctionne pas.

Je n'arrive pas à faire sortir le méchant. Il y en a toujours plus et encore plus qui veut sortir. C'est sans fin. C'est sans fond. Ça ne mène à rien. Et ça éclabousse partout inutilement.

Il faut croire que je suis encore con moi aussi.

Le pire, c'est qu'il me ressemble un peu, en plus beau...

Parce que si je n'étais pas con, j'essaierais probablement de ne pas me laisser emporter par la colère, et sans employer ni la force ni la violence, avec toute la patience dont je suis capable, j'essaierais de parler davantage aux Thomas Blachman de ce monde, de leur parler mieux surtout de ces choses simples qu'ils ne parviennent pas à comprendre, comme l'amour, comme le respect qui sont dus à chaque être à qui l'on peut dire tu. J'essaierais de leur montrer par l'exemple comment être moins con. Je n'arriverais peut-être à rien. Je ne suis peut-être pas un assez bon modèle. Et ils resteraient probablement aussi cons toute leur vie. Mais je m'acharnerais quand même, aussi absurde que cela puisse paraître quand on est con.

Le plus souvent, n'est-ce pas ce que font les femmes avec les hommes? 

Comment font-elles? 

Non mais vraiment, comment font-elles?

Si vous aimez, partagez...


































Honte à ceux qui ont cherché cette image!
Les rôles devraient sérieusement être inversés!


1 commentaire:

  1. Merci pour ce texte, moi, je la trouve libératrice ton «éjaculation de fureur».

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