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« Pas facile d'être riche en 2012 ». Je suis sur la magnifique
terrasse au sommet du Roccabella,
le tout nouveau complexe de condominiums
luxueux érigé à deux pas du Centre Bell. Il est plus de trois heures du
matin. Dire que j'attendais encore il y a deux minutes à peine… Pas
moyen de le rencontrer
plus tôt, Johann est un homme occupé! Vodka martini dans la main gauche,
Montblanc
limited edition dans la droite,
il me résume la situation en parafant un contrat: « On dirait que tout
est de notre faute. La mondialisation, la dérèglementation, la crise
financière, la récession, la dette… ce n'est pas en chialant contre nous que
tous ces profiteurs paresseux et autres gogochisards vont enrichir le Québec.
Le 1% va toujours exister et c'est une bonne chose ». Johann Perv-Hurt dirige
avec deux associés la firme de génie-conseil Perv-Hurt-Seymour-Harlot,
spécialisée dans la réduction de coût des délocalisations d'entreprise. Seul Québécois
à faire partie du célèbre Forbes 400 – il cumule les citoyennetés du Canada,
des États-Unis et de Monaco –, Johann songe à déménager le siège social de sa firme à
Toronto ou à Singapour. « Tu sais ce qu'elle va me coûter, la hausse de Pauline
Marois? » Il lance par-dessus le parapet de la terrasse une bouteille de
Stolichnaya Elit à moitié pleine que nous perdons vite de vue. « Il faudrait
que je paye deux VP exécutifs à temps plein et que je leur fasse pitcher
des bouteilles en continu pour perdre autant d'argent! » Du haut du Roccabella,
le rythme envoûtant de la musique lounge et le rire des jeunes professionnelles
voltigeant autour de Johann ont tôt fait d'étouffer le bruit agaçant d'une
sirène d'ambulance, loin au-dessous, rue Drummond.
Pas besoin d'être milliardaire pour subir les effets négatifs
de la future hausse d'impôts sur les plus nantis. Judith Powerknot, avocate
spécialisée en droit bancaire qui achève un MBA à l'Université McGill tout en
se préparant pour le triathlon Ironman du Dubai – adéquatement nommé DE$ERT $TORM
– en sait quelque chose. Je l'ai rencontrée durant l'une de ses cinq pauses
hebdomadaires. «Avec les examens et la compétition qui approchent à grands pas,
je ne peux pas me permettre la moindre perte de revenus. Tout est calculé
rigoureusement. Je devrai probablement liquider quelques fonds d'actions
spéculatifs légués par ma grand-mère et auxquels je tiens énormément. C'est mon
dernier souvenir d'elle…» Ses magnifiques yeux bleus presque humides, Judith
nous explique avec émotion le rôle décisif qu'a joué sa grand-mère, troisième
femme actuaire au Canada, durant sa jeunesse. « C'est elle qui m'a appris que
ce qu'on gagne dans la vie, on ne le doit à personne. We built that.» L'indomptable et jolie brunette, que ses amis
surnomment affectueusement «De qui parlez-vous?», ne se laisse pas abattre pour
autant. «J'ai averti mon partenaire. S'il ne parvient pas à obtenir de
promotion cette année, lui et moi, c'est on
thin ice ». On peut constater sur son brassard que Judith fait la promotion
de la fondation Rêves d'Enfants. « C'est important pour moi de donner à la
communauté. Je cours pour la petite Jessica, une surdouée atteinte de leucémie
qui rêverait de passer une journée dans la Station spatiale internationale. Il
lui faut un million. Un million que les meilleurs Québécois ne pourront plus
donner! Les mesures archaïques du gouvernement québécois, ce sont les enfants comme
Jessica qui vont payer pour! »
Finalement, ces jeunes riches nouveau genre n'ont peut-être pas tort. Le Québec a besoin d'un dynamisme qu'on ne sent pas dans les mesures annoncées par le gouvernement. Nous sommes au vingt-et-unième siècle après tout. La richesse ne dort plus sous terre. Elle ne résulte plus du travail monotone et routinier des usines et de l'industrie. À l'ère de l'information et des réseaux sociaux, la richesse doit désormais être séduite et le moins qu'on puisse dire, c'est que comparée aux jeunes que je viens de rencontrer, Pauline Marois n'est pas très séduisante... Je repense soudain à une phrase de Johann: « On devrait inscrire cette phrase à l'entrée du temple capitaliste : interdit aux pépères et aux mémères! »
Par Simon Cachepard
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