Policier 1 – Vous
devriez sérieusement aller en prison!
Policier 2, riant grassement – Hra! Hra! Hra! Ça
devrait être criminel, des bons biscuits de même!
Philippe Labarre,
riant nerveusement – Han! Han! Han!
Alors c'est mon épouse que vous devrez arrêter… Elle en a fait des centaines et
des centaines durant le temps des fêtes. Moi, j'étais beaucoup trop occupé à
faire ce que vous savez…
Policier 3 – Et
le petit en forme de champignon écrasé, il est à quelle saveur?
Policier 4 – Je
pense que c'est à la graine de fenouil. J'en ai vu des pareils À la di Stasio.
Philippe Labarre
– Je ne voudrais pas paraître pédant, mais ceux-ci sont en fait à l'an…
Policier 5, n'accordant visiblement aucune importance à
l'opinion d'un civil – Non, non, non, ils sont à l'anis. C'est alsacien.
J'ai vu la recette sur Zeste!. C'était le cuisiner rebelle! Les siens avaient
de la Sambuca dedans! Il est vraiment sauté, ce gars-là!
Policier 6 – En
tout cas, les petites meringues fourrées au chocolat et à la pistache sont
exquises en crisse.
Philippe Labarre
– Ce sont mes préférées, après les tuiles au gingembre. Le nom n'est pourtant
pas invitant. On appelle ça…
Policier 7, m 'interrompant
avec une brutalité toute policière – Je sais! Je sais! Des nids
de guêpes! Aux autres policiers. Oui, oui, des nids de guêpe! Je le sais parce que je suis abonné à
Signé M. C'est là que j'ai appris que pour faire faire sa meringue,
Louis-François Marcotte bat les blancs d'œufs avec du sucre. Quel génie!
Policier 8 – Pas
autant que Normand Laprise.
Policier 9 – Estie que t'es snob, Bob!
Policier 10, avec l'implacable autorité d'un agent de
répression à la solde du système capitaliste et habitué à être obéi aveuglément
par des êtres dépourvus de conscience individuelle – Bon, bon la gang! Je
pense qu'on a plus d'affaire ici. À moi.
Et vous, on vous confisque les trois boîtes de biscuits qui sont là, pour notre
rapport… Et la prochaine fois que vous voudrez nous écrire un courriel nous
avisant qu'un homme armé jusqu'aux dents s'apprête à abattre tout ce qui bouge
sur la Plaza St-Hubert, assurez-vous donc que cet homme est bel et bien armé
jusqu'aux dents, qu'il a bel et bien l'intention de massacrer tout ce qui bouge
sur la Plaza St-Hubert, et que ce n'est pas quelqu'un d'aussi innocent que vous.
Philippe Labarre
– Oui, oui, monsieur l'agent. Mais comme j'ai essayé de vous l'expliquer depuis deux heures, je m'apprêtais à mener sur moi-même une expérience psychique extrêmement
risquée. J'avais peur de perdre le contrôle. Je ne voulais prendre aucune
chance. C'est pour ça que je vous ai avertis. J'ai peut-être exagéré... Comment
pouvais-je deviner que Grand Theft Auto 4
ne serait pas aussi dangereux qu'on le dit?
En effet, comment pouvais-je deviner que Grand Theft Auto 4 n'était pas cette
célébration sociopathe de la violence gratuite que l'on dénonce en ce moment
même dans les plus hautes sphères du pouvoir aux États-Unis? Comment pouvais-je
deviner qu'un jeu ayant tout juste évité de faire l'objet du premier autodafé postmoderne de l'histoire de l'humanité était en fait extraordinairement
complexe et intelligent? J'imagine que j'aurais d'abord pu lire ce qu'ont écrit
les critiques les plus informés à ce sujet, ceux qui ont joué au jeu et peuvent
le situer dans une perspective moins aveugle… J'aurais alors découvert que
sur Metacritic (un site Web qui collecte les notes attribuées dans les tests de sources anglophones d'albums de musique, de jeux vidéo, de films,d'émissions de télévision, de DVDs et de livres), Grand Theft auto 4 s'est mérité une note
moyenne de 98% selon les 64 sources les plus réputées. J'aurais découvert que
ce jeu n'est peut-être menaçant que parce qu'il pose la plus sérieuse des
questions : « Que peut encore signifier aujourd'hui le rêve américain? ».
J'aurais découvert que ce jeu raconte une histoire ultra-violente, certes, mais
que cette violence n'est que le reflet fictif et caricatural d'une violence
bien réelle dans la société américaine. D'une violence dont les causes
politiques, sociales, économiques et médiatiques sont justement explicitées par
ce jeu dont la lucidité devient dès lors effectivement menaçante.
Grand Theft Auto 4,
c'est l'histoire tragi-comique de Nico Bellic, un immigrant
est-européen tout juste arrivé à Liberty City (simplification magnifiquement
détaillée quoique un peu caricaturale de New York City, Liberty City constitue
l'attrait le plus indéniable du jeu, et il est certainement beaucoup moins
frustrant d'y conduire une voiture sport que dans l'originale). Accueilli et
hébergé par son cousin Roman, un entrepreneur/bullshiteur/joueur compulsif criblé de dettes, Nico a pour seule et
unique compétence un sang-froid à toute épreuve, acquis durant une guerre où il
a perdu une grande part de son innocence et une petite part de son humanité.
Cette compétence l'amènera à accomplir quelques crimes de moins en moins mineurs
afin d'acheter de brefs sursis pour son cousin auprès de ses créanciers
criminels, puis auprès des créanciers de ses créanciers, puis auprès des
créanciers des créanciers de ses créanciers... Cette compétence sera vite
reconnue et exploitée par tout ce qui détient du pouvoir À Liberty City. Qu'il
s'agisse du crime organisé, de la police ou du gouvernement, tous voudront se
servir de Nico comme instrument d'une violence qu'ils ne veulent pas ou ne
peuvent pas assumer eux-mêmes, et tous chercheront à se débarrasser de lui par
la suite.
Je ne peux pas, je ne veux pas raconter cette histoire dans
tous ses détails, mais comme vous ne jouerez probablement (et malheureusement
pour vous) jamais à ce jeu, j'aimerais vous en résumer l'une des fins possibles
(n'oubliez pas qu'il s'agit d'un jeu et que le joueur détermine toujours un peu
l'histoire). À la fin du jeu, donc, la vie de Nico Bellic a profondément changé.
Amoureux d'une jolie Irlandaise qui aimerait vivre avec lui une vie plus
ordinaire, il peut désormais compter sur quelques amis fidèles, qu'il a sauvés
plusieurs fois et qui sont prêts à lui rendre la pareille. Comme la plupart de
ses crimes ont été payants, il est maintenant riche et possède de nombreuses
voitures dispendieuses ainsi que deux lofts luxueux dans Algonquin (Manhattan).
Comme la plupart de ses ennemis se sont entretués grâce à lui, il est de plus
en plus libre d'agir à sa guise et se permet même de refuser d'obéir à son plus
récent patron, Jimmy Pegorino, qui l'oblige à faire affaire avec un homme qui a
plusieurs fois tenté de le tuer. Nico paiera son refus par la mort de sa petite
amie et la dernière mission du jeu, que je vous invite à visionner
immédiatement, vise à venger celle-ci.
Cette mission, qui comporte de nombreuses fusillades et
poursuites en automobile, en moto et en hélicoptère, se termine donc sous la statue of Hapiness (statue de la
Liberté) par la mort de Jimmy Pegorino. Bonheur! Liberté! Rédemption! Le rêve
américain est sur le point de se réaliser… C'est ce que Roman, qui arrive sur
les lieux, tente de dire à son cousin :
Roman – You did
dit!
Nico – I don't
know. What did I do?
Roman – But we're
done. Now we can start making money… freely.
Nico – I suppose
so.
Roman – We won,
man. We won!
Si vous avez visionné la vidéo, vous aurez noté que Nico
Bellic ne répond pas à son cousin. Accompagné par la musique angoissante de
Philip Glass, il quitte les lieux, seul, triste et à jamais détruit par ce
qu'il a vécu. Ce qu'il voudrait dire, il sait que son cousin serait de toute
façon trop bête pour le comprendre: on n'accomplit rien, on ne gagne rien par
la violence. Seul le joueur peut entendre les dernières paroles de Nico
Bellic:
Nico – So this is
what the dream feels like. This is the victory we longed for…
Comment conclure? Quel bilan dois-je tirer de mon expérience
avec Grand Theft Auto 4? Je ne suis
manifestement pas devenu un criminel fou, mais suis-je demeuré intact pour
autant? Ai-je gaspillé inutilement des dizaine d'heures de ma vie? C'est ce que j'aimerais vous expliquer… la semaine prochaine. Ça sonne encore à la porte. C'est le sens de la vie. Il espère probablement me condamner. J'ai quelques surprises pour lui. Le pauvre...
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