J'ai découvert cette anecdote sur la page consacrée aux
Darwin Awards, qui vise à commémorer toutes celles, mais surtout tous ceux qui
améliorent par leur mort idiote et exemplaire le bagage génétique de
l'humanité. L'idée est simple et en apparence difficile à réfuter : la
sélection naturelle de l'espèce humaine n'étant pas achevée, n'étant pas
achevable, nous assisterons donc toujours aux jugements froids et tranchants
d'une nature purgeant l'humanité de ses gènes défectueux. C'est très drôle,
très rassurant, et très faux bien entendu. Les cas de Darwin Awards sont aussi
cocasses qu'exceptionnels. Combien sont-ils comme cet homme brésilien et son épouse qui, cédant à des pulsions ancestrales, décideront d'immobiliser brusquement
leur véhicule sur l'autoroute, en plein brouillard, à l'heure de pointe, pour
faire l'amour… et se verront heurtés de plein fouet par un camion de
marchandise, mourant sur-le-champ, interrompus ironiquement dans l'accomplissement
de l'acte par lequel leur stupidité aurait risqué de se reproduire? Imbéciles
ou non, nous portons presque tous des casques désormais, que ce soit au hockey,
en moto ou à vélo, et l'époque approche certainement où les enfants devront en
porter jusque dans les escaliers de leurs écoles. Les lits douillets auxquels
nous réservons la plupart de nos ébats amoureux ne sont pas plus dangereux ou
moins féconds lorsque nous sommes imbéciles. La sélection naturelle de l'espèce
humaine n'est pas achevée, n'est pas achevable, mais il y a tout lieu de croire
qu'elle ne privilégie plus depuis longtemps l'intelligence.
Bien au contraire… Telle était du moins la thèse d'une comédie de science-fiction apocalyptique de Mike Judge parue en 2006, Idiocracy, dans laquelle un soldat américain d'intelligence très moyenne se réveillait, suite à une expérience scientifique ratée, au tout début du XXVIe, devenant sans effort l'homme le plus intelligent et le futur Président d'une Amérique incurablement idiote et dégénérée d'avoir encouragé économiquement les moins brillants à procréer beaucoup plus vigoureusement que les autres. Je vous laisse juger de la qualité philosophique et esthétique de ce film où tous ne verront pas comme moi une heureuse et improbable rencontre entre Karl Marx, Richard Dawkins, Andreï Tarkovski et Mel Brooks. Pour apprécier la rigueur de la démonstration dans tout son raffinement dialectique, je vous propose ici d'en regarder la scène introductive.
Bien au contraire… Telle était du moins la thèse d'une comédie de science-fiction apocalyptique de Mike Judge parue en 2006, Idiocracy, dans laquelle un soldat américain d'intelligence très moyenne se réveillait, suite à une expérience scientifique ratée, au tout début du XXVIe, devenant sans effort l'homme le plus intelligent et le futur Président d'une Amérique incurablement idiote et dégénérée d'avoir encouragé économiquement les moins brillants à procréer beaucoup plus vigoureusement que les autres. Je vous laisse juger de la qualité philosophique et esthétique de ce film où tous ne verront pas comme moi une heureuse et improbable rencontre entre Karl Marx, Richard Dawkins, Andreï Tarkovski et Mel Brooks. Pour apprécier la rigueur de la démonstration dans tout son raffinement dialectique, je vous propose ici d'en regarder la scène introductive.
Difficile d'exprimer ici le moindre désaccord significatif! Exagérer,
ce n'est pas mentir. L'intelligence humaine semble bel et bien incapable de la
folie nécessaire à sa reproduction.
Telle est aussi la thèse d'un scientifique réputé,
Gerald Crabtree, un généticien de l'Université Stanford en Californie dont le Guardian commentait lundi dernier la
récente série d'articles intitulée Our
Fragile intellect. Crabtree ne suppose même pas que les moins intelligents
ont plus de chance de se reproduire. Son hypothèse est plus conservatrice : l'intelligence
aurait tout simplement cessé, depuis l'invention de l'agriculture et de
civilisations densément peuplées, de jouer un rôle déterminant dans la capacité
de reproduction de l'homme. Estimant que le nombre de gènes responsables de
l'intelligence humaine serait situé entre 2000 et 5000, Crabtree est parvenu à
calculer en s'appuyant sur des modèles probabilistes que la plupart d'entre
nous portons désormais entre deux ou trois mutations de ces gènes apparues
durant les trois milles dernières années. Des mutations qui ont plus de chance
d'être nuisibles que d'être utiles. Des mutations qui auront diminué
l'intelligence sans entraîner la mort de celles et ceux qui les portaient. Des
mutations à cause desquelles Crabtree se dit en mesure d'affirmer qu'un
contemporain quelconque de Socrate était probablement plus intelligent que l'un
quelconque de nos contemporains. Nos ancêtres plus intelligents que nous, qui
avaient appris à reconnaître l'intelligence supérieure de leurs propres ancêtres, l'avaient
eux-mêmes bien compris. L'humanité n'était pour eux qu'une nef remplie de fous
en quête de plaisirs immédiats, voguant sans direction, déclinant à l'abandon, au gré de
courants incertains, mais toujours descendant.
Jérôme Bosch, La Nef
des fous (1490-1500),
huile sur sois, Musée du Louvre, Paris.
huile sur sois, Musée du Louvre, Paris.
Peut-on espérer mieux pour l'humanité? Je répondrai comme
les Anciens. Credo quia absurdum. J'y
crois parce qu'il est absurde d'y croire. Plus absurde encore que n'osent
l'imaginer Mike Judge, Gerald Crabtree ou Jérôme Bosch, qui tous souffrent d'un
indéniable excès d'optimisme en supposant l'humanité unie dans son déclin. Ce que ne révèle pas Mike Judge, c'est que tous
les hommes du futur ne seront pas également idiots et qu'il restera encore une
minorité d'hommes assez intelligents pour dominer la majorité abrutie. Ce que
Gerald Crabtree ne prend pas le temps d'expliquer, c'est que l'intelligence
moyenne de l'humanité aura beau diminuer, la croissance de la population et
l'évolution technologique feront en sorte que le nombre d'intelligences
remarquables dans le futur ne diminuera pas. Après tout, n'y a-t-il pas au
moins autant d'intelligences remarquables dans une mégalopole contemporaine comme
New York que dans l'Athènes de Socrate, une ville à peine plus peuplée que ne
l'est aujourd'hui Longueuil et n'ayant bénéficié d'aucun accès aux
neurostimulants ou aux thérapies géniques actuelles? Ce que ne montre pas Jérôme Bosch,
c'est que l'humanité n'est pas toute dans la Nef. Il y aura toujours des hommes
sur le rivage pour regarder la scène avec fascination. Certains sont plus sages,
mais personne sur la nef ne semble les écouter. Les autres sont comme les fous
dans la nef, mais ils sont beaucoup plus rusés et comptent bien tirer profit du
naufrage imminent.
S'il est vrai que l'intelligence humaine est condamnée à
décliner - ce dont il est encore possible de douter et ce contre quoi il semble du
moins encore possible de lutter - ce qu'il faudra craindre, ce n'est pas tant
l'abêtissement de tous que l'asservissement d'une sous-humanité par une élite
surhumaine. Il n'y a pas de casque contre cela. Les inégalités économiques, intellectuelles et biologiques du futur
pourraient bien se révéler plus terrifiantes que les pires racismes imaginés
par le vingtième siècle.
Si vous aimez, partagez.
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Woah, dans le genre post-apocalyptique, c'est plus terrifiant que «Idiocracy»... qui au moins était délirant et improbable.
RépondreSupprimerJ'ai peur... On condamne de plus en plus l'individu différent économiquement, intellectuellement et biologiquement... Pourtant nous sommes plus semblable que différent selon moi... Je lutte ch. jour en solidarité avec ces gens affectés socialement (ils disent mentalement..) qui se sentent exclus mais qui, ma foi, semblent devenir de plus en plus nombreux!!
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