mercredi 28 novembre 2012

Le bonheur pour les nuls


Soyons franc. Je vous ai menti la semaine dernière. J'ai prétendu dans un poème plutôt piqué des vers que je souffrais d'un mal non identifié aux symptômes duquel les plus perspicaces parmi vous auront su reconnaître une gastro-entérite. Mais je vous ai volontairement induits en erreur. La vérité, c'est que je ne pouvais pas vous écrire davantage. J'étais beaucoup trop occupé. Ma vie est tellement compliquée! Non seulement je dois travailler pour vivre – ce qui soit dit en passant est tout à fait regrettable: qui a le temps de travailler de nos jours? – mais je dois aussi prendre soin de deux petites filles aussi égoïstes qu'incapables de prendre soin d'elles-mêmes. Vous direz que tout cela, c'est bien normal. Que je ne suis pas le seul dans cette situation après tout. Peut-être, peut-être, mais je préfère ne pas penser aux autres. Parce que je n'ai pas le temps de penser aux autres. Parce qu'il me faut aussi penser à moi. À mon bonheur. À mon épanouissement.

Et c'est précisément ce que je faisais la semaine dernière pendant que vous pensiez naïvement que j'étais malade parce que vous vous disiez que des enfants, ça donne des maladies à leurs parents. Je prenais soin de mon moi primal, je me dorlotais un peu l'enfant intérieur avec tout ce que le salaire démesuré d'un enseignant au Cégep peut se payer. Pendant une semaine bénie (et tellement méritée!), j'ai fait un véritable tour du monde intérieur: massages thérapeutique turcs et japonais, spas et saunas groenlandais (la Scandinavie, c'est un peu trop 2005), sessions de méditation transcendantale, retraites karmiques, nettoyage du colon et des chakras (l'Inde est un véritable sous-continent de bonheur), power coaching et cours d'estime de soi californiens, séances de thérapie sexuelle polynésienne, voyages astraux auprès d'un sorcier maya. J'en ai vraiment eu pour mon argent. Et je suis maintenant illuminé, radieux, prêt donc à me réaliser entièrement dans la triple voie sacrée de parent, d'enseignant et de blogueur/thérapeute/sage.

Vous doutez de moi? Vous pensez que je me moque de vous? Que je suis ironique? Vous devriez plutôt bannir le mot ironique de votre vocabulaire. C'est tellement négatif, l'ironie! Ça me fait penser à ce sorcier maya, Ixapal Erfún qu'il s'appelait. Je n'ai jamais entendu une personne aussi négative et souffrant autant de l'illusion du mental. Il prétendait m'offrir un enseignement qui allait changer ma vie. Il prétendait détenir l'ultime secret du bonheur. En sept ultimes révélations finales! Je les ai notées, bien entendu, ses fameuse et fumeuses «révélations» de maya-civilisation-disparue-pas-pour-rien-finalement. Je ne voulais pas avoir l'air de ne pas avoir découvert et assimilé, durant ma semaine d'auto-exploration-du-moi-par-mon-soi, l'importance d'être ouvert, d'être à l'écoute. Mais n'espérez pas trop de ces révélations, que je vous cite ici verbatim et à propos desquelles je vous recommande fortement d'être – mon chakra coronal ne va pas aimer ça – critiques…

Première révélation ultime: « Ne recherchez pas le bonheur. » 
C'est inutile. Complètement inutile. Si le bonheur existe, il appartient à ceux qui ne le recherchent pas. Il appartient à ceux qui préfèrent se consacrer à quelque chose d'autrement plus important qu'eux-mêmes. Il arrive le plus souvent sans qu'on l'espère. Il est parfois, mais rarement, donné, comme une sorte de reconnaissance tacite des choses ou des hommes, en récompense d'efforts gratuits et sincères. Mais le plus souvent, l'homme est fait pour trouver le bonheur dans des conditions difficiles, par des efforts démesurés pour que ces conditions s'améliorent à peine, non pour lui mais pour autrui.

Seconde révélation ultime: « Ne visualisez pas ce que vous désirez. »
Ce n'est pas ainsi que vous obtiendrez quoi que ce soit. Vous obtiendrez ce que vous désirez en travaillant fort. Ou en vous acharnant. Ou en y renonçant. Ou par chance. On en trichant. Et cela vous laissera peut-être un goût amer, peut-être pas. Parfois, ce que vous désirez, vous ne l'obtiendrez jamais, peu importe ce que vous faites. Et ce que vous désirez, lorsque vous l'aurez, ne vous apportera que rarement ce que vous avez espéré. Ce sera pire ou mieux, mais autre chose, et vous serez souvent surpris. Si vous tous vos rêves se sont toujours réalisés ainsi que vous les aviez «visualisés», vous manquez probablement d'imagination. Ou bien la vie n'a que très provisoirement oublié de vous jouer de bien bons ou de bien vilains tours.

Troisième révélation ultime: « Ne cultivez pas votre estime de vous-même. » 
Ne vous faites pas de compliments. Ne répétez pas tous les jours devant le miroir que «vous le valez bien», que vous êtes beau, que vous êtes intelligent, que tout le monde vous aime. Si c'est vrai, d'une part, il est inutile de vous le répéter pour vous en convaincre. Vous manquez d'estime de vous-même, soit, mais vos paroles demeureront toujours moins convaincantes que les faits eux-mêmes, qui ne sont pourtant pas parvenus à vous convaincre. Oubliez-vous un peu et travaillez davantage à quelque chose dont vous serez fier un jour. Si c'est faux, d'autre part, vous aurez beau essayer, vous ne pourrez pas vous tromper vous-même, vos qualités imaginaires ne feront toujours que mettre en valeur vos défauts bien réels. Oubliez-vous un peu et travaillez davantage à quelque chose dont vous serez fier un jour.

Quatrième révélation ultime: « Ne traitez pas votre corps comme un temple. »
À moins de savoir vraiment ce qu'est un temple. Ce n'est pas un lieu de calme, de luxe et de volupté. Ce n'est pas un lieu paisible et lumineux. Ce n'est pas un lieu dont on prend soin parce qu'il serait important en lui-même. C'est un lieu pour nous faire oublier le lieu, justement… un lieu d'ascèse, de renonciation et de souffrances. Un lieu de sacrifices. Si vous voulez vraiment prendre soin de votre corps, préparez-vous à avoir faim, à être essoufflé, à transpirer et à éprouver des douleurs musculaires. Préparez-vous à vous ennuyer, à lutter contre vous-même et à tout vouloir abandonner. Préparez-vous à sacrifier le temps que vous consacrez à des choses beaucoup plus importantes et significatives que votre corps, comme votre emploi, votre famille, vos amis. Le bien-être viendra peut-être tout seul après que vous aurez surmonté tout cela, si jamais vous y parvenez…

Cinquième révélation ultime: « Ne cherchez pas à vous réaliser dans votre emploi. »
Cherchez simplement le meilleur et le plus honnête emploi que vous êtes capable d'obtenir et de bien faire. Ce sera bien assez difficile. Et lorsque votre emploi vous permet de vous réaliser vraiment, ne vous en vantez pas. Certains emplois sont plus payants que d'autres. Certains sont plus valorisés. Certains sont plus amusants. Certains permettent de se réaliser. Ce sont souvent les mêmes emplois. La vie est injuste. Si cette injustice vous avantage, tant mieux pour vous, mais taisez-vous et évitez d'être un salaud! Vous n'êtes pas une personne plus moderne parce que vous avez le privilège de gagner plus d'argent en vous amusant davantage à faire quelque chose que tout le monde respecte et qui vous permet de vous accomplir.

Sixième révélation ultime: « Ne vous offrez pas de récompenses. » 
Vous en méritez probablement beaucoup moins que vous pensez. Un petit test : pensez à une personne que vous admirez réellement et demandez-vous à quelle fréquence cette personne s'est récompensée pour ce qu'elle a fait. Pensez à Gandhi. Pensez à Chantal Petitclerc. Pensez à Rocky Balboa. Pensez à Hannah Arendt. Pensez à qui vous voulez. Et lorsque vous méritez vraiment une récompense, il n'est pas particulièrement utile de s'en faire à soi-même. On n'en jouit pas vraiment. Pas plus qu'on ne peut jouir émotionnellement des gratifications sexuelles qu'on se donne à soi-même.  La récompense doit venir d'autrui. Et bien souvent elle ne viendra pas. Et si vous intervenez sur autrui pour qu'elle vienne, vous en jouirez moins. Vous serez donc beaucoup plus heureux de ne rien espérer et de vous laisser parfois surprendre agréablement.

Septième et ultime révélation ultime: ...
Si vous avez travaillé de toutes vos forces à l'accomplissement d'une tâche difficile et véritablement importante, si vous êtes capable de porter sur votre travail un regard lucide et de trouver malgré cela que le résultat n'est pas trop décevant, si vous vous êtes épuisé ou si vous avez négligé votre santé pour obtenir un tel résultat, si ce travail comportait tout un lot de frustrations ou de situations devant lesquelles vous vous êtes souvent révélé impuissant sans vous apitoyer et si personne ne vous a félicité convenablement, prenez un verre du meilleur vin que vous êtes capable d'apprécier avec quelqu'un que vous aimez. Pas pour vous récompenser. Mais pour en profiter. Avec une attitude comme la vôtre, vous êtes vraisemblablement déjà heureux, même si vous ne prenez pas toujours le temps de vous en rendre compte.

Tout cela est faux bien entendu. Si c'était vrai, ça ce saurait et on l'enseignerait partout où le bonheur est à vendre. C'est pourquoi Relations d'incertitudes vous invite officiellement à ne suivre aucun de ces conseils. Ne recherchez que votre bonheur personnel, visualisez-le avec toute la positivité dont vous êtes capable, appuyez-le sur une estime de vous-même bien nourrie ainsi qu'un corps soigné aux petits oignons, accomplissez-vous dans votre emploi comme tout le monde devrait le faire et payez vous une foule de petites récompenses que vous méritez bien. Vous avez des doutes soudains? Vous trouvez tout cela égoïste, égocentrique, égo-kékchose. Ne vous en faites pas, Noël approche, vous pourrez partager votre bonheur et vous soulager la conscience. Pourquoi ne pas offrir à votre belle-mère obèse un livre d'alimentation vivante, ou à votre beau-frère qui travaille au salaire minimum chez Valentine un guide d'épanouissement personnel en douze étapes? Ils seront tellement reconnaissants d'évoluer grâce aux soins d'une âme aussi vieille et aussi décentrée que la vôtre.

Si vous aimez, partagez.

mercredi 21 novembre 2012

Catharsis


J'aurais bien préféré vous offrir un festin
D'idées et d'ironie, faire penser et rire,
Feindre un peu la folie, jouer au sot, ou bien pire:
Travailler pour cela du soir jusqu'au matin.

J'aurais aimé délier quelque triste destin,
Entrouvrir l'huître obscure, et par là vous séduire.
J'ignorais qu'en moi-même un mal s'agitait. Dire
La suite est trop pénible, atroce. L'intestin

Se tordant, ma douleur, bien plus forte que moi,
Est dure à contenir. Il n'y a pas d'émoi
Plus laid, de pire horreur. Ah! L'affreuse diarrhée!

Étourdi, un peu blême et le cœur à l'envers,
Je vous offre, giclant dans les gouffres amers,
De troubles grumeaux bruns et puants en purée.

mercredi 14 novembre 2012

Homo declinens

Commençons par une anecdote qui aurait certainement fait réfléchir les moralistes classiques et qui fait bien rire aujourd'hui. Dans l'État de New York, le 2 juillet 2011, un américain de 55 ans dénommé Philip Contos est mort des suites d'un traumatisme crânien après avoir perdu la maîtrise de sa motocyclette. Au moment de l'accident, il ne portait pas de casque. En eût-il porté un qu'il serait toujours en vie selon les spécialistes. Mais Philip Contos, durant sa vie, n'avait probablement jamais suivi les conseils d'un spécialiste, et il n'aimait pas porter de casque. Chasseur-cueilleur du dimanche, ami fidèle de son chien Buck, avec qui il passait tous ses temps libres, il appartenait à cette race d'hommes qui ne se sentent vivre vraiment qu'à toute vitesse et affrontant de plein fouet la vive sensation du vent qui siffle sur leurs cheveux. Malgré son âge, ceux de Philip Contos avaient d'ailleurs conservé le lustre primitif des gerbes de blé sauvage. C'étaient des cheveux qui avaient respiré! Celui que ses amis surnommaient virilement Phil n'aimait donc pas porter de casque, mais ce qu'il détestait encore plus, c'était qu'on l'obligeât à en porter un. Lors de l'accident qui lui coûta la vie, il était d'ailleurs en train de mener, sur la Route 11 qui passe à travers une petite ville au nom iroquois d'Onondaga, une bande de motocyclistes manifestant bruyamment leur désobéissance civile à la loi imposant le port du casque. Comme le rappelait sans effusion inutile l'un de ses meilleurs amis : « He didn’t like government intrusion into our daily lives. » Contos est mort en défendant sa liberté… de mourir stupidement.


J'ai découvert cette anecdote sur la page consacrée aux Darwin Awards, qui vise à commémorer toutes celles, mais surtout tous ceux qui améliorent par leur mort idiote et exemplaire le bagage génétique de l'humanité. L'idée est simple et en apparence difficile à réfuter : la sélection naturelle de l'espèce humaine n'étant pas achevée, n'étant pas achevable, nous assisterons donc toujours aux jugements froids et tranchants d'une nature purgeant l'humanité de ses gènes défectueux. C'est très drôle, très rassurant, et très faux bien entendu. Les cas de Darwin Awards sont aussi cocasses qu'exceptionnels. Combien sont-ils comme cet homme brésilien et son épouse qui, cédant à des pulsions ancestrales, décideront d'immobiliser brusquement leur véhicule sur l'autoroute, en plein brouillard, à l'heure de pointe, pour faire l'amour… et se verront heurtés de plein fouet par un camion de marchandise, mourant sur-le-champ, interrompus ironiquement dans l'accomplissement de l'acte par lequel leur stupidité aurait risqué de se reproduire? Imbéciles ou non, nous portons presque tous des casques désormais, que ce soit au hockey, en moto ou à vélo, et l'époque approche certainement où les enfants devront en porter jusque dans les escaliers de leurs écoles. Les lits douillets auxquels nous réservons la plupart de nos ébats amoureux ne sont pas plus dangereux ou moins féconds lorsque nous sommes imbéciles. La sélection naturelle de l'espèce humaine n'est pas achevée, n'est pas achevable, mais il y a tout lieu de croire qu'elle ne privilégie plus depuis longtemps l'intelligence.

Bien au contraire… Telle était du moins la thèse d'une comédie de science-fiction apocalyptique de Mike Judge parue en 2006, Idiocracy, dans laquelle un soldat américain d'intelligence très moyenne se réveillait, suite à une expérience scientifique ratée, au tout début du XXVIe, devenant sans effort l'homme le plus intelligent et le futur Président d'une Amérique incurablement idiote et dégénérée d'avoir encouragé économiquement les moins brillants à procréer beaucoup plus vigoureusement que les autres. Je vous laisse juger de la qualité philosophique et esthétique de ce film où tous ne verront pas comme moi une heureuse et improbable rencontre entre Karl Marx, Richard Dawkins, Andreï Tarkovski et Mel Brooks. Pour apprécier la rigueur de la démonstration dans tout son raffinement dialectique, je vous propose ici d'en regarder la scène introductive.


Difficile d'exprimer ici le moindre désaccord significatif! Exagérer, ce n'est pas mentir. L'intelligence humaine semble bel et bien incapable de la folie nécessaire à sa reproduction.

Telle est aussi la thèse d'un scientifique réputé, Gerald Crabtree, un généticien de l'Université Stanford en Californie dont le Guardian commentait lundi dernier la récente série d'articles intitulée Our Fragile intellect. Crabtree ne suppose même pas que les moins intelligents ont plus de chance de se reproduire. Son hypothèse est plus conservatrice : l'intelligence aurait tout simplement cessé, depuis l'invention de l'agriculture et de civilisations densément peuplées, de jouer un rôle déterminant dans la capacité de reproduction de l'homme. Estimant que le nombre de gènes responsables de l'intelligence humaine serait situé entre 2000 et 5000, Crabtree est parvenu à calculer en s'appuyant sur des modèles probabilistes que la plupart d'entre nous portons désormais entre deux ou trois mutations de ces gènes apparues durant les trois milles dernières années. Des mutations qui ont plus de chance d'être nuisibles que d'être utiles. Des mutations qui auront diminué l'intelligence sans entraîner la mort de celles et ceux qui les portaient. Des mutations à cause desquelles Crabtree se dit en mesure d'affirmer qu'un contemporain quelconque de Socrate était probablement plus intelligent que l'un quelconque de nos contemporains. Nos ancêtres plus intelligents que nous, qui avaient appris à reconnaître l'intelligence supérieure de leurs propres ancêtres, l'avaient eux-mêmes bien compris. L'humanité n'était pour eux qu'une nef remplie de fous en quête de plaisirs immédiats, voguant sans direction, déclinant à l'abandon, au gré de courants incertains, mais toujours descendant.

Jérôme Bosch, La Nef des fous (1490-1500),
huile sur sois, Musée du Louvre, Paris.

Peut-on espérer mieux pour l'humanité? Je répondrai comme les Anciens. Credo quia absurdum. J'y crois parce qu'il est absurde d'y croire. Plus absurde encore que n'osent l'imaginer Mike Judge, Gerald Crabtree ou Jérôme Bosch, qui tous souffrent d'un indéniable excès d'optimisme en supposant l'humanité unie dans son déclin. Ce que ne révèle pas Mike Judge, c'est que tous les hommes du futur ne seront pas également idiots et qu'il restera encore une minorité d'hommes assez intelligents pour dominer la majorité abrutie. Ce que Gerald Crabtree ne prend pas le temps d'expliquer, c'est que l'intelligence moyenne de l'humanité aura beau diminuer, la croissance de la population et l'évolution technologique feront en sorte que le nombre d'intelligences remarquables dans le futur ne diminuera pas. Après tout, n'y a-t-il pas au moins autant d'intelligences remarquables dans une mégalopole contemporaine comme New York que dans l'Athènes de Socrate, une ville à peine plus peuplée que ne l'est aujourd'hui Longueuil et n'ayant bénéficié d'aucun accès aux neurostimulants ou aux thérapies géniques actuelles? Ce que ne montre pas Jérôme Bosch, c'est que l'humanité n'est pas toute dans la Nef. Il y aura toujours des hommes sur le rivage pour regarder la scène avec fascination. Certains sont plus sages, mais personne sur la nef ne semble les écouter. Les autres sont comme les fous dans la nef, mais ils sont beaucoup plus rusés et comptent bien tirer profit du naufrage imminent.

S'il est vrai que l'intelligence humaine est condamnée à décliner - ce dont il est encore possible de douter et ce contre quoi il semble du moins encore possible de lutter - ce qu'il faudra craindre, ce n'est pas tant l'abêtissement de tous que l'asservissement d'une sous-humanité par une élite surhumaine. Il n'y a pas de casque contre cela. Les inégalités économiques, intellectuelles et biologiques du futur pourraient bien se révéler plus terrifiantes que les pires racismes imaginés par le vingtième siècle.

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mercredi 7 novembre 2012

Change we can believe in

Vous souvenez-vous de la fin du monde? C'est vrai qu'il y a déjà longtemps qu'elle a eu lieu. Vous avez peut-être oublié. Laissez-moi donc vous rafraîchir la mémoire. C'était le 13 septembre 1999…

Je m'en souviens comme si c'était hier. J'habitais avec quatre amis l'un de ces appartements étroits, allongés et autrefois abordables qui sont typiques de la rue Saint-Denis. J'étais en train d'étudier (ou de faire autre chose) dans le cagibi qui me servait aussi de bureau, de chambre à coucher, de salle à manger, de… Stéphane était accouru en criant. Sa voix était extraordinairement grave et puissante, mais claire et précise aussi. C'était une voix faite pour calmer les foules hystériques, une voix faite pour sauver des vies. Philippe!!! Il faut que tu voies! Les images diffusées en direct à la télévision allaient rejouer en boucle et nous hypnotiser pendant des semaines. Les scientifiques devenus tristement célèbres… le centre de recherche secret… la navette sur le point de s'écraser… l'explosion dévastatrice… l'enchaînement d'actes héroïques et futiles… la date à jamais marquée dans notre esprit… Le… 13 septembre… 1999… l'explosion dévastatrice encore… puis cette sphère jaune et aveuglante en expansion. Qu'était-il arrivé? Il nous fallut presque une heure avant de tout comprendre. Nous n'étions pas en danger pour l'instant. C'était un incident nucléaire, une sorte de réaction en chaîne, mais elle avait eu lieu loin de nous, bien loin... sur la lune. L'explosion avait propulsé celle-ci hors de l'orbite terrestre. Dans quelques mois nous allions la perdre de vue à jamais. En ce moment même, elle dérive encore dans le silence éternel des espaces infinis.