Soyons franc. Je vous ai menti la semaine dernière. J'ai
prétendu dans un poème plutôt piqué des vers que je souffrais d'un mal non
identifié aux symptômes duquel les plus perspicaces parmi vous auront su
reconnaître une gastro-entérite. Mais je vous ai volontairement induits en
erreur. La vérité, c'est que je ne pouvais pas vous écrire davantage. J'étais
beaucoup trop occupé. Ma vie est tellement compliquée! Non seulement je dois
travailler pour vivre – ce qui soit dit en passant est tout à fait regrettable:
qui a le temps de travailler de nos jours? – mais je dois aussi prendre soin de
deux petites filles aussi égoïstes qu'incapables de prendre soin d'elles-mêmes.
Vous direz que tout cela, c'est bien normal. Que je ne suis pas le seul dans
cette situation après tout. Peut-être, peut-être, mais je préfère ne pas penser
aux autres. Parce que je n'ai pas le temps de penser aux autres. Parce qu'il me
faut aussi penser à moi. À mon bonheur. À mon épanouissement.
Et c'est précisément ce que je faisais la semaine dernière
pendant que vous pensiez naïvement que j'étais malade parce que vous vous
disiez que des enfants, ça donne des maladies à leurs parents. Je prenais soin
de mon moi primal, je me dorlotais un peu l'enfant intérieur avec tout ce que
le salaire démesuré d'un enseignant au Cégep peut se payer. Pendant une semaine
bénie (et tellement méritée!), j'ai fait un véritable tour du monde intérieur: massages
thérapeutique turcs et japonais, spas et saunas groenlandais (la Scandinavie,
c'est un peu trop 2005), sessions de méditation transcendantale, retraites
karmiques, nettoyage du colon et des chakras (l'Inde est un véritable
sous-continent de bonheur), power coaching
et cours d'estime de soi californiens, séances de thérapie sexuelle
polynésienne, voyages astraux auprès d'un sorcier maya. J'en ai vraiment eu
pour mon argent. Et je suis maintenant illuminé, radieux, prêt donc à me réaliser
entièrement dans la triple voie sacrée de parent, d'enseignant et de
blogueur/thérapeute/sage.
Vous doutez de moi? Vous pensez que je me moque de vous? Que
je suis ironique? Vous devriez plutôt bannir le mot ironique de votre vocabulaire. C'est tellement négatif, l'ironie!
Ça me fait penser à ce sorcier maya, Ixapal Erfún qu'il s'appelait. Je n'ai jamais
entendu une personne aussi négative et souffrant autant de l'illusion du
mental. Il prétendait m'offrir un enseignement qui allait changer ma vie. Il
prétendait détenir l'ultime secret du bonheur. En sept ultimes révélations
finales! Je les ai notées, bien entendu, ses fameuse et fumeuses «révélations» de maya-civilisation-disparue-pas-pour-rien-finalement.
Je ne voulais pas avoir l'air de ne pas avoir découvert et assimilé, durant ma
semaine d'auto-exploration-du-moi-par-mon-soi, l'importance d'être ouvert, d'être
à l'écoute. Mais n'espérez pas trop de ces révélations, que je vous cite ici verbatim et à propos desquelles je vous
recommande fortement d'être – mon chakra coronal ne va pas aimer ça –
critiques…
Première révélation
ultime: « Ne recherchez pas le
bonheur. »
C'est inutile. Complètement inutile. Si le bonheur existe, il appartient à ceux qui ne le recherchent pas. Il appartient à ceux qui préfèrent se consacrer à quelque chose d'autrement plus important qu'eux-mêmes. Il arrive le plus souvent sans qu'on l'espère. Il est parfois, mais rarement, donné, comme une sorte de reconnaissance tacite des choses ou des hommes, en récompense d'efforts gratuits et sincères. Mais le plus souvent, l'homme est fait pour trouver le bonheur dans des conditions difficiles, par des efforts démesurés pour que ces conditions s'améliorent à peine, non pour lui mais pour autrui.
C'est inutile. Complètement inutile. Si le bonheur existe, il appartient à ceux qui ne le recherchent pas. Il appartient à ceux qui préfèrent se consacrer à quelque chose d'autrement plus important qu'eux-mêmes. Il arrive le plus souvent sans qu'on l'espère. Il est parfois, mais rarement, donné, comme une sorte de reconnaissance tacite des choses ou des hommes, en récompense d'efforts gratuits et sincères. Mais le plus souvent, l'homme est fait pour trouver le bonheur dans des conditions difficiles, par des efforts démesurés pour que ces conditions s'améliorent à peine, non pour lui mais pour autrui.
Seconde révélation ultime: « Ne visualisez pas ce
que vous désirez. »
Ce n'est pas ainsi que vous obtiendrez quoi que ce soit. Vous obtiendrez ce que vous désirez en travaillant fort. Ou en vous acharnant. Ou en y renonçant. Ou par chance. On en trichant. Et cela vous laissera peut-être un goût amer, peut-être pas. Parfois, ce que vous désirez, vous ne l'obtiendrez jamais, peu importe ce que vous faites. Et ce que vous désirez, lorsque vous l'aurez, ne vous apportera que rarement ce que vous avez espéré. Ce sera pire ou mieux, mais autre chose, et vous serez souvent surpris. Si vous tous vos rêves se sont toujours réalisés ainsi que vous les aviez «visualisés», vous manquez probablement d'imagination. Ou bien la vie n'a que très provisoirement oublié de vous jouer de bien bons ou de bien vilains tours.
Ce n'est pas ainsi que vous obtiendrez quoi que ce soit. Vous obtiendrez ce que vous désirez en travaillant fort. Ou en vous acharnant. Ou en y renonçant. Ou par chance. On en trichant. Et cela vous laissera peut-être un goût amer, peut-être pas. Parfois, ce que vous désirez, vous ne l'obtiendrez jamais, peu importe ce que vous faites. Et ce que vous désirez, lorsque vous l'aurez, ne vous apportera que rarement ce que vous avez espéré. Ce sera pire ou mieux, mais autre chose, et vous serez souvent surpris. Si vous tous vos rêves se sont toujours réalisés ainsi que vous les aviez «visualisés», vous manquez probablement d'imagination. Ou bien la vie n'a que très provisoirement oublié de vous jouer de bien bons ou de bien vilains tours.
Troisième révélation
ultime: « Ne cultivez pas votre
estime de vous-même. »
Ne vous faites pas de compliments. Ne répétez pas tous les jours devant le miroir que «vous le valez bien», que vous êtes beau, que vous êtes intelligent, que tout le monde vous aime. Si c'est vrai, d'une part, il est inutile de vous le répéter pour vous en convaincre. Vous manquez d'estime de vous-même, soit, mais vos paroles demeureront toujours moins convaincantes que les faits eux-mêmes, qui ne sont pourtant pas parvenus à vous convaincre. Oubliez-vous un peu et travaillez davantage à quelque chose dont vous serez fier un jour. Si c'est faux, d'autre part, vous aurez beau essayer, vous ne pourrez pas vous tromper vous-même, vos qualités imaginaires ne feront toujours que mettre en valeur vos défauts bien réels. Oubliez-vous un peu et travaillez davantage à quelque chose dont vous serez fier un jour.
Ne vous faites pas de compliments. Ne répétez pas tous les jours devant le miroir que «vous le valez bien», que vous êtes beau, que vous êtes intelligent, que tout le monde vous aime. Si c'est vrai, d'une part, il est inutile de vous le répéter pour vous en convaincre. Vous manquez d'estime de vous-même, soit, mais vos paroles demeureront toujours moins convaincantes que les faits eux-mêmes, qui ne sont pourtant pas parvenus à vous convaincre. Oubliez-vous un peu et travaillez davantage à quelque chose dont vous serez fier un jour. Si c'est faux, d'autre part, vous aurez beau essayer, vous ne pourrez pas vous tromper vous-même, vos qualités imaginaires ne feront toujours que mettre en valeur vos défauts bien réels. Oubliez-vous un peu et travaillez davantage à quelque chose dont vous serez fier un jour.
Quatrième révélation
ultime: « Ne traitez pas votre
corps comme un temple. »
À moins de savoir vraiment ce qu'est un temple. Ce n'est pas un lieu de calme, de luxe et de volupté. Ce n'est pas un lieu paisible et lumineux. Ce n'est pas un lieu dont on prend soin parce qu'il serait important en lui-même. C'est un lieu pour nous faire oublier le lieu, justement… un lieu d'ascèse, de renonciation et de souffrances. Un lieu de sacrifices. Si vous voulez vraiment prendre soin de votre corps, préparez-vous à avoir faim, à être essoufflé, à transpirer et à éprouver des douleurs musculaires. Préparez-vous à vous ennuyer, à lutter contre vous-même et à tout vouloir abandonner. Préparez-vous à sacrifier le temps que vous consacrez à des choses beaucoup plus importantes et significatives que votre corps, comme votre emploi, votre famille, vos amis. Le bien-être viendra peut-être tout seul après que vous aurez surmonté tout cela, si jamais vous y parvenez…
À moins de savoir vraiment ce qu'est un temple. Ce n'est pas un lieu de calme, de luxe et de volupté. Ce n'est pas un lieu paisible et lumineux. Ce n'est pas un lieu dont on prend soin parce qu'il serait important en lui-même. C'est un lieu pour nous faire oublier le lieu, justement… un lieu d'ascèse, de renonciation et de souffrances. Un lieu de sacrifices. Si vous voulez vraiment prendre soin de votre corps, préparez-vous à avoir faim, à être essoufflé, à transpirer et à éprouver des douleurs musculaires. Préparez-vous à vous ennuyer, à lutter contre vous-même et à tout vouloir abandonner. Préparez-vous à sacrifier le temps que vous consacrez à des choses beaucoup plus importantes et significatives que votre corps, comme votre emploi, votre famille, vos amis. Le bien-être viendra peut-être tout seul après que vous aurez surmonté tout cela, si jamais vous y parvenez…
Cinquième révélation
ultime: « Ne cherchez pas à vous
réaliser dans votre emploi. »
Cherchez simplement le meilleur et le plus honnête emploi que vous êtes capable d'obtenir et de bien faire. Ce sera bien assez difficile. Et lorsque votre emploi vous permet de vous réaliser vraiment, ne vous en vantez pas. Certains emplois sont plus payants que d'autres. Certains sont plus valorisés. Certains sont plus amusants. Certains permettent de se réaliser. Ce sont souvent les mêmes emplois. La vie est injuste. Si cette injustice vous avantage, tant mieux pour vous, mais taisez-vous et évitez d'être un salaud! Vous n'êtes pas une personne plus moderne parce que vous avez le privilège de gagner plus d'argent en vous amusant davantage à faire quelque chose que tout le monde respecte et qui vous permet de vous accomplir.
Cherchez simplement le meilleur et le plus honnête emploi que vous êtes capable d'obtenir et de bien faire. Ce sera bien assez difficile. Et lorsque votre emploi vous permet de vous réaliser vraiment, ne vous en vantez pas. Certains emplois sont plus payants que d'autres. Certains sont plus valorisés. Certains sont plus amusants. Certains permettent de se réaliser. Ce sont souvent les mêmes emplois. La vie est injuste. Si cette injustice vous avantage, tant mieux pour vous, mais taisez-vous et évitez d'être un salaud! Vous n'êtes pas une personne plus moderne parce que vous avez le privilège de gagner plus d'argent en vous amusant davantage à faire quelque chose que tout le monde respecte et qui vous permet de vous accomplir.
Sixième révélation
ultime: « Ne vous offrez pas de
récompenses. »
Vous en méritez probablement beaucoup moins que vous pensez. Un petit test : pensez à une personne que vous admirez réellement et demandez-vous à quelle fréquence cette personne s'est récompensée pour ce qu'elle a fait. Pensez à Gandhi. Pensez à Chantal Petitclerc. Pensez à Rocky Balboa. Pensez à Hannah Arendt. Pensez à qui vous voulez. Et lorsque vous méritez vraiment une récompense, il n'est pas particulièrement utile de s'en faire à soi-même. On n'en jouit pas vraiment. Pas plus qu'on ne peut jouir émotionnellement des gratifications sexuelles qu'on se donne à soi-même. La récompense doit venir d'autrui. Et bien souvent elle ne viendra pas. Et si vous intervenez sur autrui pour qu'elle vienne, vous en jouirez moins. Vous serez donc beaucoup plus heureux de ne rien espérer et de vous laisser parfois surprendre agréablement.
Vous en méritez probablement beaucoup moins que vous pensez. Un petit test : pensez à une personne que vous admirez réellement et demandez-vous à quelle fréquence cette personne s'est récompensée pour ce qu'elle a fait. Pensez à Gandhi. Pensez à Chantal Petitclerc. Pensez à Rocky Balboa. Pensez à Hannah Arendt. Pensez à qui vous voulez. Et lorsque vous méritez vraiment une récompense, il n'est pas particulièrement utile de s'en faire à soi-même. On n'en jouit pas vraiment. Pas plus qu'on ne peut jouir émotionnellement des gratifications sexuelles qu'on se donne à soi-même. La récompense doit venir d'autrui. Et bien souvent elle ne viendra pas. Et si vous intervenez sur autrui pour qu'elle vienne, vous en jouirez moins. Vous serez donc beaucoup plus heureux de ne rien espérer et de vous laisser parfois surprendre agréablement.
Septième et ultime
révélation ultime: ...
Si vous avez travaillé
de toutes vos forces à l'accomplissement d'une tâche difficile et véritablement
importante, si vous êtes capable de porter sur votre travail un regard lucide
et de trouver malgré cela que le résultat n'est pas trop décevant, si vous vous
êtes épuisé ou si vous avez négligé votre santé pour obtenir un tel résultat,
si ce travail comportait tout un lot de frustrations ou de situations devant
lesquelles vous vous êtes souvent révélé impuissant sans vous apitoyer et si personne
ne vous a félicité convenablement, prenez un verre du meilleur vin que vous êtes
capable d'apprécier avec quelqu'un que vous aimez. Pas pour vous récompenser.
Mais pour en profiter. Avec une attitude comme la vôtre, vous êtes vraisemblablement
déjà heureux, même si vous ne prenez pas toujours le temps de vous en rendre
compte.
Tout cela est faux bien entendu. Si c'était vrai, ça ce
saurait et on l'enseignerait partout où le bonheur est à vendre. C'est pourquoi
Relations d'incertitudes vous invite
officiellement à ne suivre aucun de ces conseils. Ne recherchez que votre bonheur
personnel, visualisez-le avec toute la positivité dont vous êtes capable, appuyez-le
sur une estime de vous-même bien nourrie ainsi qu'un corps soigné aux petits oignons,
accomplissez-vous dans votre emploi comme tout le monde devrait le faire et
payez vous une foule de petites récompenses que vous méritez bien. Vous avez
des doutes soudains? Vous trouvez tout cela égoïste, égocentrique,
égo-kékchose. Ne vous en faites pas, Noël approche, vous pourrez partager votre
bonheur et vous soulager la conscience. Pourquoi ne pas offrir à votre
belle-mère obèse un livre d'alimentation vivante, ou à votre beau-frère qui
travaille au salaire minimum chez Valentine un guide d'épanouissement personnel
en douze étapes? Ils seront tellement reconnaissants d'évoluer grâce aux soins
d'une âme aussi vieille et aussi décentrée que la vôtre.
Si vous aimez, partagez.