vendredi 22 mars 2013

La neige est tombée sur notre 22 mars


C'est en arrivant chez moi mardi dernier que m'est venue l'idée de ce billet. La tempête venait d'encombrer d'une vingtaine de centimètres de neige les marches de l'escalier menant chez nous, comme on dit ici. J'estimais toute l'ampleur du travail qui m'attendait. Il me fallait gravir, un peu inutilement, chacune des six marches de l'escalier (oui, oui, six!), m'emparer nonchalamment de la pelle oubliée depuis plus d'un mois sur la galerie, redescendre l'escalier (pourquoi avait-il fallu monter déjà?) tout en pelletant sans conviction la neige accumulée sur chacune des marches (dois-je rappeler qu'il y en avait six?!), remonter une à une ces six marches manifestement mal pelletées (quel manque de civisme!), et enfin laisser tomber négligemment la pelle quelque part, n'importe où, espérons que personne ne se blesse avec. Il y avait là en tout au moins trois minutes d'un labeur complètement abrutissant que je m'apprêtais néanmoins à accomplir avec abnégation. Et c'est alors que pris d'un soudain et irrésistible sentiment de nostalgie, je me suis dit qu'il était grand temps d'écrire un bilan personnel sur le printemps érable, dont on célèbre un peu le premier anniversaire...

C'est un fait météorologique qui m'a d'abord marqué lors du printemps dernier. Il a vraiment fait très chaud. Tellement qu'on pouvait parfois se croire le quatre ou le quatorze juillet. Je ne veux pas sous-estimer ici les rôles louables qu'ont pu jouer la conviction, la solidarité ou le militantisme, mais s'il n'avait pas fait si chaud lors du printemps dernier, Jean Charest serait peut-être encore au pouvoir aujourd'hui. Ce que j'avance sans preuve, vous êtes bien sûr invités à le contredire sans preuve. Mais pour des gens bien ordinaires, des gens difficiles à mobiliser, des gens comme moi, la température a fait toute la différence. Jusqu'à la fin mars, j'avais été plutôt tiède. Je n'avais éprouvé tout au plus que de la bienveillance pour un mouvement étudiant qui réagissait selon moi de façon légitime à une hausse exagérée. J'étais contre cette hausse, mais pas nécessairement contre le principe d'une hausse, et surtout pas au point de faire de véritables efforts. Durant les premières semaines de la grève étudiante, j'avais donc profité de mon «congé» pour me dorloter un peu, pour lire de longs livres profonds, pour pianoter quelques pièces juste assez difficiles, pour commencer l'écriture d'un roman très intimiste. Pendant ce temps Dominique, la femme de ma vie, marchait avec les étudiants, les aidait à s'organiser, leur offrait son soutien stratégique, financier et psychologique. J'aimais prétendre que je demeurais à la maison afin de mieux m'occuper de mes filles, afin de permettre à Dominique d'agir sans contrainte. J'étais le modeste homme au foyer derrière la femme d'action émancipée. Comme le français sait si bien l'exprimer: bullshit que tout cela! Je n'étais rien. 

S'il n'avait pas fait si chaud en mars 2012, j'aurais continué longtemps à me complaire ainsi. Je n'aurais pas participé, un dimanche après-midi ensoleillé, avec Dominique et mes deux filles, à ce qui allait être ma première manifestation. Inutile de dire que je ne tenais pas tant que ça à y aller. Je ne portais pas encore le carré rouge (je le trouvais trop simple, trop conformiste) et je craignais qu'on ne tente de me l'imposer avec des « Pourquoi? », « Vraiment? », « Ah bon… ». Détestant les foules, je devinais aussi qu'au moins l'une de mes filles allait nous révéler par ses cris insupportables qu'elle me ressemblait. Mais il faisait chaud, tellement chaud que j'en avais des sueurs… comment le dire sans vandaliser un meilleur auteur?... des sueurs de honte. Honte dans laquelle m'avait plongé toute mon inaction de plusieurs semaines, honte dont le soulagement méritait bien quelques heures de marche dans la rue. Inexpérimentés que nous étions, nous sommes arrivés beaucoup trop tôt au parc Lafontaine, lieu de rassemblement de la manifestation, sans avoir pensé à apporter de l'eau ou de la nourriture. Le départ fut longtemps retardé. La foule se fit de plus en plus dense. Héloïse, mon aînée, commença à pleurer. Constance, la plus jeune, semblait vouloir l'imiter. Notre belle manifestation familiale allait se révéler un désastre avant même d'avoir commencé. Nous étions décidés à rentrer au plus vite chez nous. Mais nous étions prisonniers de la foule. Il fallait patienter. Et quand enfin on s'est mis à marcher autour de nous, il a fallu suivre. Après avoir attendu si longtemps, cela faisait quand même du bien. Comme plusieurs autres, j'ai profité de la première occasion pour acheter de l'eau et des friandises dans un petit dépanneur qui fit probablement plus de commerce en une heure de manifestation qu'en un mois ordinaire (on n'en parla pas dans les médias). Héloïse cessa dès lors de pleurer, oublia sa fatigue, se mit à chanter des slogans. Constance, qui n'avait que deux ans, imitait sa grande sœur : « Akilaru! Anoularu! ». On pouvait bien continuer un peu... Plus j'avançais, moins j'avais le goût d'arrêter. C'est moi qui insistait. Il ne restait qu'une heure de marche. Pourquoi ne pas se rendre jusqu'au bout? Il y avait tant de gens qu'on pouvait reconnaître, à qui l'on pouvait parler! Il fallait savoir combien nous étions. Plus de trente mille apparemment! Vraiment?! Et que disaient les médias. Quelques milliers? Non, pas vrai?!! À la fin de l'après-midi, il ne faisait pour moi aucun doute que j'allais participer à la grande manifestation du 22 mars.

Et c'est le 22 mars, journée particulièrement chaude (24.2 ºC selon les archives de MétéoMédia), qu'a véritablement commencé le printemps érable. On estime à 200 000 le nombre de manifestants qui ont déambulé à Montréal seulement, et il y a eu des manifestations partout au Québec. Partout au Québec, des journées de grève avaient été votées dans les départements et les facultés, dans les Cégeps et les Universités les moins probables. Des personnes de tout âge, de tous les milieux et de presque toutes les allégeances politiques avaient choisi de participer à cet événement unique, irréductible au seul mouvement étudiant. J'ignorais ce qui se passait, mais je savais que c'était autre chose. Vraiment autre chose. Comme les casseroles allaient être autre chose. Jusqu'au 22 mars, il m'avait semblé que le conflit étudiant opposait deux camps beaucoup trop rationnels, ou du moins beaucoup trop convaincus d'avoir entièrement raison. L'éducation universitaire était utile à la toute la société, aussi devait-elle être gratuite pour tous. L'éducation universitaire bénéficiait aux détenteurs de diplômes, aussi était-ce aux étudiants de payer. Il est généralement difficile de me convaincre de quoi que ce soit par des arguments comme ceux-ci. C'est peut-être parce que je ne suis pas assez rationnel. C'est peut-être parce que je suis trop raisonnable. Vous savez ce que c'est, être raisonnable. Discuter de bonne foi... Accepter des compromis... Chercher des terrains d'entente... Trouver des solutions... Le 22 mars, j'ai constaté en marchant qu'il y avait partout autour de moi d'autres personnes raisonnables, qui auraient été prêtes à discuter, qui auraient été prêtes à faire tout le reste, si seulement le gouvernement, si seulement le monde dans lequel nous vivons leur en avait donné l'occasion. Et j'ai aussi constaté que s'il y en avait dans les deux camps qui étaient convaincus d'avoir entièrement raison, il n'en demeurait pas moins que presque tout ce qu'il y avait de raisonnable au Québec était dans le camp des étudiants, qui commençait drôlement à ressembler au camp de l'universel (je sais ce qu'une telle expression peut avoir d'insensé). L'intolérance, le ressentiment, la haine, la peur, l'ignorance, tout cela ne se manifestait que chez ceux qui nous refusaient le droit de marcher. La suite du printemps allait m'en convaincre chaque jour davantage. Mais à partir du 22 mars, je n'ai plus éprouvé de difficulté à porter le carré rouge.

Source : aupignon.com

Si je n'avais pas constaté tout cela le 22 mars, je n'aurais pas participé ensuite, de plus en plus enthousiaste, à une douzaine de manifestations (ce qui demeure très peu si l'on me compare à nombre de collègues et amis). Et alors je n'aurais pas appris, pour la première fois de ma vie, ce que peut être une véritable indignation, une véritable sainte colère. De celles qu'on se donne le droit d'éprouver sans le moindre remords. Comme celle qui s'empara de moi lorsque Jean Charest annonça son projet de loi visant à limiter la liberté d'association étudiante et à imposer par la force un retour en classe qui ne pouvait être qu'un désastre. S'il m'avait fallu des semaines pour apprendre à porter le carré rouge, il ne me fallut qu'une nuit pour décider d'arborer le carré noir. Le temps de découvrir qu'il existait, tout simplement. Il y a du bon à ne pas être toujours complètement raisonnable. Je ne l'étais pas lorsque j'ai déclaré très solennellement sur Facebook : « si vous êtes d'accord avec le projet de loi 78, faites-le moi savoir: je ne veux plus jamais vous parler! » Et pourtant, quelle joie de constater que ces mots irréfléchis allaient être immédiatement repris par quelques militants bien plus engagés que moi! Je n'étais pas raisonnable non plus lorsque j'ai décidé d'écrire un texte beaucoup plus nuancé pour La Presse (on m'avait refusé au Devoir…). Qui étais-je pour prendre ainsi la parole? Qui étais-je? Quelqu'un dont les mots avaient permis à quelques lecteurs encore plus raisonnables de mieux comprendre la légitimité d'une colère. Quelqu'un qui avait réussi à partager quelque chose de simple et pourtant précieux. Quelqu'un qui allait continuer à écrire pour essayer encore de partager... des colères, mais aussi des enthousiasmes. Relations d'incertitudes n'existerait pas si ce n'avait été du 22 mars, si ce n'avait été du projet de loi 78, si ce n'avait été des casseroles. Je dois beaucoup au printemps dernier. Beaucoup plus qu'il me doit. 

Et parce que je n'ai pas oublié ma dette, aujourd'hui, quand il est temps de déneiger, je déneige. J'ai bien sûr déneigé mon petit escalier lors de la tempête, mardi dernier. Que pensiez-vous? Que j'allais attendre que le soleil fasse tout fondre? Que j'allais encore une fois laisser Dominique s'occuper des choses les plus importantes? On ne doit jamais attendre pour déneiger. On ne sait jamais quand quelqu'un aura besoin de venir chez soi. On ne sait jamais quand et avec qui il faudra sortir. Il faut déneiger, déneiger encore, déneiger sans cesse, parce qu'on ne peut pas toujours attendre que le soleil fasse toujours si bien les choses qu'au printemps dernier. Parfois, il semble presque que le soleil ne veuille plus se lever du tout. Comme cette année, justement. Sauf qu'on ne sait jamais quand viendra le temps de reprendre la marche. Ce qu'il nous reste de mieux à faire en attendant, c'est déneiger, c'est pelleter, c’est déblayer, c'est dégager les voies. Pour être prêts quand un meilleur printemps reviendra.

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vendredi 15 mars 2013

Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt (version 2.0)


7h35 – Good, good! J'suis fucking en avance. Check ça mon boss: ça va torcher ce matin! Quand même le temps pour une petite «veille» Facebook. Voyons voir…

« Share this goat for no reason. ». S'tie qu'est bonne. Like. Share. Commentaire: « S'tie qu'est bonne ». Next.

« Las mujeres son naturalmente ineptas para ejercer cargos politicos. » Les… femmes sont… naturellement incapables… d'exercer des charges… politiques. Wow! Vraiment, wow!!! Share. Commentaire: « Aux manchettes aujourd'hui : selon de nouveaux calculs de l'Église, qui tiendraient enfin compte de documents découverts il y a à peine mille ans et remettant en question l'ampleur du décalage entre les calendriers julien et grégorien, nous serions en fait au XIXe siècle. » Next.

Tiens, Paul Rose est mort. Belle image! Next.

Quatre-vingt photos des trois filles de Julie-Anne, déguisées en papillons, en champignons, en fées, en princesses, en carottes, en ninjas… Sans joke, get a life! Like. Next...

7h55 – « Spotted: tu as vu cette belle blonde qui semble plus chaude que ton café? Ce beau brun t'as demandé ton efface, mais a fini par prendre ton cœur? Fais lui savoir que tu l'as remarqué en nous envoyant un message et nous le publierons anonymement pour toi. » On n'arrête pas le progrès… Share. Commentaire : « Ma belle Samantha, quand j'ai vu ton magnifique plombier alors que tu te penchais pour ramasser une pelure de banane, c'est mon coeur qui a fait une culbute. » Bon, back to work.

8h00 – Il faudrait quand même que je poste un petit quelque chose de mon cru ce matin. Un commentaire sur l'actualité politique, peut-être? Ça fait longtemps que j'ai pas niaisé notre chère Première ministre. Bof… Been there, done that. Pis ça va encore taper sur les nerfs de ma famille. Faudrait lire Le Devoir, La Presse ou Huffington Post. Not today, pas le temps. Gotta work hard to party hard. Pas le goût non plus de me faire highjacker par un fanboy de Jean-Martin Aussant ou un autre zélé de Québec Solidaire. Crisse qu'y a du monde qui se prend au sérieux! Ah…, le bon vieux temps des « Poutine all-dressed à 3AM, top décrissé… » ou des « OMFG! J'avais les BPC durant toute la présentation. LOL!!!!». Depuis que tout le monde a un message sérieux à exprimer, Facebook a comme perdu son âme… Tiens, il faudrait l'écrire, ça, c'est assez punché/ironique. Simone Sanssouci vient de poster. Qu'a-t-elle de si important à nous dire aujourd'hui? « Partagez si vous croyez qu'aucun enfant ne devrait vivre sans amour. » Wow!!! Il faudrait le chanter. Partagez si vous croyez qu'aucun enfant ne devrait vivre sans amour! Comme c'est touchant! Excuse-moi Simone si j'ai pas le goût de sharer. J'suis trop occupé à sauver le monde avec des articles sur le système bancaire islandais. Mais je peux liker si tu veux. Tiens. Je suis tellement fin!

8h01 –

8h02 – Il me faudrait quelque chose de tight… quelque chose de spirituel… quelque chose de…

8h03 – …quelque chose de méta. Ouain, ça fait longtemps que j'ai pas fait du méta...

8h04 – …en vers, peut-être? OMG, WTF, IMO, LOL /  Les mots viennent si vite quand ils sont virtuels… Bof, c'est poche. Trop intense. Pis WTF, ça fait plus que trois syllabes…. Peut-être que ça serait mieux un haïku? Quelque chose de zen. J'ai tant besoin de paix intérieure…

8h06 – Coudonc! C'est pas difficile de même d'habitude.

8h13 – Ça y est! That's it, babe! 

       If you like it share
       And if you don't hate it like
       A petal may fly. 

Parfait! Le compte est bon. Tout est là. C'est même un peu profond… Finalement, je suis pas si pire que ça en forme ce matin. En plus, Sam est online. Elle devrait aimer ça.

8h17 – Premier like. Cool! Ah ouain, c'est Simone… way moins cool. J'aurais aussi bien pu poster un étron en sombrero en train de chanter « La cacaracha! La cacaracha! ». Il faut tout le temps qu'elle like tout anyway. Peut-être qu'il serait temps que je commente un peu sa nouvelle photo de profil. Dans le genre « Quel bikini intéressant! Tu n'as pas peur de t'affirmer! ». Unfriend countdown starting… soon.

8h19 – Toujours un like seulement. Et aucun share. Pourquoi Sam réagit pas? Tant pis, time to work.

 9h00 – Deux like et un share… c'est tout?!? Ils ont pas compris, ou quoi? Le haïku? L'autoréférentialité? La fin poétique? En plus, le share, c'est encore Simone. Au moins, le deuxième like, c'est… Timothée. Tiens, ça fait vraiment longtemps que l'ai vu, lui. Vraiment fin, ce gars-là. Je me demande s'il travaille toujours comme Busboy à la Cage Aux Sports. I don't judge, I don't judge. Pas facile de faire sa place dans le milieu hautement compétitif du travail contemporain… Ouain, je suis vraiment deep ce matin. Enfin, il faudrait peut-être que je le poke. Sauf qu'il penserait que je le niaise. On a tellement pas été fins avec lui au secondaire. Je lui écrirai un petit quelque chose à sa fête.

9h03 – Sam est encore online. Et elle a pas encore liké… C'est quoi son ostie de problème?

9h07 – Un nouveau like. C'est….. Philippe Labarre. Bien sûr! Et je suppose que comme par hasard, il vient encore tout juste de nous poster son blogue… Yep, encore une fois. Y'a même une image de Facebook. C'est quoi le titre? « Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt (version 2.0). Si vous aimez suivre l'aliénation de près…». Il veut sûrement encore nous faire la morale. Facebook nous rend idiots… Facebook nous rend narcissique… Facebook a remplacé Dieu… blablablabla Facebook. Je préférais quand il parlait de masturbation. Et puis ça veut dire quoi, relations d'incertitude? N'importe quoi. Je veux dire, c'est pas si mal écrit, mais quand même. C'est trop compliqué pour rien. Et on comprend jamais où est-ce qu'il veut en venir. Bon, anyway, je vais faire like et je le lirai peut-être plus tard. Peut-être. Très peut-être. Encourageons-le quand même un peu : « Toujours aussi brillant! ». Il devrait être content. Ostie que j'suis fin. Back to work.

9h21 – Câlisse, Sam, qu'est-ce que tu fais? Quoi? Mes posts sont plus assez bons pour toi depuis que t'as eu une promotion? Tu veux plus choquer personne? Tu veux être sérieuse, politically correct, une je-ne-publie-plus-que-des-articles-sérieux-liés-aux-perspectives-d'avenir-de-mon-industrie? C'est le post le plus inoffensif que j'ai écrit depuis deux mois! Tes boss vont pas t'en vouloir! Fuck You!.. 

9h27  Bon, au travail.

9h53  Really, au travail, starting... now..
  
10h12 – Temps de prendre une petite pause. Voyons voir…

Un article deep de La Presse sur les partenaires sexuels indirects. Non merci, pas de soft porn aujourd'hui. Je suis au bureau, tout de même. Next.

Une photo qui nous présente côte à côte des enfants africains faisant la file pour de l'eau potable et des cardinaux qui font une procession. Dans quel monde choquant vivons-nous!?! Si je like, ça veut-tu dire que j'suis d'accord? Laissons faire. Next.

Un 4 ½ à sous-louer dans Ahuntsic. C'est Anna. Like. Share. Commentaire : « c'est une bonne amie pis est ben propre. » Next.

Un post de Léo Bruneau-Blouin contre les trolls qui s'en prennent au Parti Québécois. Il perd de plus en plus de son optimisme, le petit. Next.

Le huitième statut en 2 heures d'Eugénie: « Tsé quand le gars dans l'ascenseur, il te fait un compliment sur ta coupe de cheveux pis que toute ce que t'es capable de  penser, c'est qu'il a un peu de bave sur le menton ». Ah, les épiphanies du quotidien! Pas mal quand même. Je vais répondre: « C'était pas de la bave, mais un reste de poussière d'étoile, échappée de tes yeux magnifiques. Bon, il faut que j'aille me moucher. La morve coule. À plus ». Hahaha! Next.

Ah! Tiens! Un post de Michel. Il vient d'écouter une chanson de Skip James: « Hard Time Killing Floor Blues. J'ai des frissons. » Très intriguant! Let's play.

       Hard time's is here
       An ev'rywhere you go
       Times are harder
       Than th'ever been befo'

       You know that people
       They are driftin' from do' to do'
       But they can't find no heaven
       I don't care where they go

       ...


10h17 – Trop bon! Où est-ce qu'il trouve tout ça? Let's like… Done. Let's share. Commentaire: « Skip James: Le root du shit. » Done.

10h19 – 5 like et 3 share pour Skip James, déjà. 4 like pour ma réponse à Eugénie. Pas pire! Et un nouveau commentaire d'Eugénie : « c'est pas de la morve qui coule de ton nez, mais de la bullshit ;-) ». Like. Réponse : « Plus moyen de se faire prendre au sérieux de nos jours. Facebook a comme perdu son âme. » Nice! Ça me fait penser à mon haïku. Allons voir… Quoi? 4 like et un share seulement, après deux heures! C'est quoi le problème? Me semble que c'était vraiment bon. C'est vrai qu'il était tôt quand je l'ai posté. Peut-être qu'il est déjà trop bas dans la page du monde. Il faudrait peut-être que je le reposte. Meh. Ça ferait sûrement pathétique. Allons voir qui a liké. Simone, Timothée, Philippe et… Jules. Ouain. Maintenant qu'il a perdu sa job, il a le temps de tout liker de toute façon. J'me demande s'il a modifié son profil. Nom: Jules Joualvert. Situation professionnelle : en transition. Situation amoureuse : simplicité volontaire. C'est éloquent. Je suppose que ça explique la peinture romantique d'un cheval galopant dans la plaine. 

10h23 - Fuck, le boss est là! Bon, tant pis, je vais reposter le haïku, vite. Pis après au travail...

11h35 – Alors, le haïku? Pour la dernière fois. Après j'vais plus voir, promis... 25 like, 8 share et 15 commentaires!!! Yeah!!! Et quels sont les commentaires?

Cindy : « This one will fly ». Like.

Stéphane : « Songé ». Like…

11h43 – Tiens, un message. C'est le boss. Il veut me rencontrer à 14h. Eh ben… promotion en vue? Continuons.

Nathalie : « You should publish. Literally. » Like.

Charles : « Ton haïku est bon / Mais le mien est bien meilleur / Une pluie de likes ». Très drôle. Like.

Et toujours rien de Sam. WTF!

11h50 –  32 like!! FUCK YEAH!!!  


11h 57 – Bon, le dîner approche déjà. Shit que j't'en retard. Il va falloir travailler crissement plus fort cet aprèm. Il va aussi falloir que j'écrive à Sam. 

11h59 – Coudonc. C'est quoi l'air que j'ai dans tête?

       You know that people
       They are driftin' from do' to do'
       But they can't find no heaven
       I don't care where they go

Si vous aimez, partagez (hihihi...).

vendredi 1 mars 2013

Au septième jour, l'homme se roulera en boule dans son lit.

Quelle semaine mémorable que celle qui est tout juste en train de s'achever! Tant d'événements déterminants ont eu lieu durant les derniers jours dont nous pouvons à peine deviner l'impact incroyable sur les générations futures! Tant de moments marquants dans la longue marche de l'humanité pour son émancipation! Tant d'étapes franchies pour de bon et dont l'explication exigerait une réflexion aussi originale qu'approfondie! Tant de sujets dont je n'ai pas l'intention de vous parler cette semaine!

En effet, je n'ai pas l'intention de vous parler de l'hypocrite (et surtout très païenne) cérémonie des Oscars de dimanche dernier. Peut-on qualifier autrement un spectacle clinquant où des demi-déesses sont mutilées et sacrifiées pour les faveurs capricieuses d'une idole phallique et dorée symbolisant richesse, prestige et puissance?  Peut-on qualifier autrement cette masturbation esthétique, morale et intellectuelle d'une industrie de l'abrutissement esthétique, moral et intellectuel? Qu'on ne m'objecte pas ici l'indéniable talent, le travail remarquable de tout ce beau monde. Comme n'importe qui, j'aime le cinéma, le meilleur comme le pire d'ailleurs. Sauf que ce n'est pas comme si pour enfin comprendre toutes les nuances de ce spectacle subtil, il me suffisait d'attendre que mes filles soient assez grandes pour qu'il me soit enfin loisible, sans planifier la chose un mois d'avance, d'aller voir en salle des films le plus souvent oubliables, pour ensuite les discuter spirituellement, jusqu'aux petites heures du matin, avec mes nombreux amis sans enfants, dans un café branché au design scandinave, etc. Aux Oscars, le cinéma, c'est ce dont on ne parle que lorsque l'orchestre impose le silence. The show must go on. Au suivant. Ou plutôt à la suivante, vite, avant que sa beauté post-humaine ne décline en direct devant nos yeux révulsés. Avez-vous vu Renée Zellweger cette année? Que reste-t-il aujourd'hui de l'insupportable et narcissique, mais tout de même attachante Bridget Jones? Il y a quelques années à peine, aurait-on osé la féliciter, elle ou une autre, de s'être donné une injection/maigreur contre la grippe? Par ses efforts laborieux pour se moquer du sexisme sophistiqué d'Hollywood, l'animateur/animateur Seth MacFarlane n'est en fait parvenu qu'à affirmer un sexisme plus vulgaire: vrais hommes… aimer… totons; hommes gays… pas aimer… totons; vrais hommes… pas aimer… totons qui parlent; George Clooney… pas aimer... totons qui pendent. Je ne vous parlerai donc pas de ce spectacle dont je n'ai réussi à écouter que les 45 premières minutes. Il y a des limites au bavardage que je me sens capable de supporter. Ça doit être parce que je suis un homme.

Avant et après?

Je ne vous parlerai pas non plus de l'hypocrite (et surtout très risible) Sommet sur l'enseignement supérieur qui s'est tenu lundi et mardi derniers dans un lieu qui pour une fois a bien porté son nom d'Arsenal, mais qui sera bien mieux employé à l'avenir à exposer, comme c'est sa vocation, des œuvres porteuses d'avenir, justement. Peut-on qualifier autrement ce spectacle pour la tenue duquel nous avons pourtant manifesté pendant des mois? Je ne me plaindrai pas de l'indexation de 3% annuels des frais de scolarité. C'était prévisible, c'était presque inévitable dans l'état actuel du débat public, et c'est bien plus raisonnable que ce qui nous avait été proposé il y a un an par un chef dont le pouvoir de mobilisation négative doit aujourd'hui manquer à plusieurs de ses adversaires d'alors. Je ne me plaindrai pas non plus des nananes gracieusement éparpillés par le gouvernement pour faire taire le groupe de pression auquel j'ai la chance d'appartenir. Ce qui n'a jamais eu lieu lors du Sommet, c'est une réflexion, c'est un dialogue, c'est un débat qui n'aurait pas été polarisé par des certitudes aussi simplistes qu'inébranlables. Hausse, indexation, gel et gratuité, tout cela suivi de belles idéologies bricolées hermétiquement. Ils étaient quatre qui voulaient se battre… contre trois qui voulaient se battre… et l'arbitre qui voulait se battre... dit aux trois qui voulaient se battre...  que la bataille était maintenant finie. Comme j'aime bien vous faire rire, je ne peux résister au plaisir de citer l'ô combien pertinent Jérémie Bédard-Wien, coporte-parole de l'ASSÉ. Avant le sommet: « Nous ne devons pas modifier notre relation avec le gouvernement, notre relation doit être une relation de confrontation ». Quel réalisme! Après le Sommet : « Il y a véritablement une mobilisation qui reprend alors qu’elle s’était essoufflée depuis la fin du printemps érable. […] Plus que jamais, la population est derrière nous ». Quelle lucidité! Le successeur spirituel de Gabriel Nadeau-Dubois me fait ici à penser à Karl Marx. Je constate avec embarras que nos jeunes révolutionnaires ne prennent en effet plus le temps de lire ne serait-ce que les premières lignes de ses ouvrages les plus célèbres: « Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d'ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. » Grandes phrases! Que ferait-on sans vous pour nous consoler d'un présent désolant? Je n'ai pas assisté au sommet. Je n'ai pas participé aux manifestations. J'ai plutôt choisi de donner mes cours, estimant faire ainsi davantage pour l'avenir et la jeunesse du Québec. Quel était le sujet des cours cette semaine? Les conditions qu'un débat doit remplir pour ne pas dégénérer en exercice de propagande ou en dialogue de sourds. Je vous jure! Vous devinerez que le cours était très abstrait, très théorique, très éloigné des réalités vécues par nos étudiants. Ça doit être parce que je vieillis.

L'histoire va-t-elle se répéter?

Pour terminer, je ne vais pas vous parler non plus de l'hypocrite (et semble-t-il très politique) mise en scène de la démission de notre plus récent Saint-Père, dont le pontificat a officiellement pris fin jeudi dernier. Peut-on qualifier autrement un spectacle dont les dessous apparemment malpropres ont été si efficacement recouverts d'une couche épaisse et bien lustrée, d'une couche qui sent suspicieusement trop bon, d'une couche vertueuse purement virtuelle (il est grand temps de permettre le mariage de ces deux adjectifs féminins, des cousines qui attendent toujours que l'office de la langue française accorde l'adoption de la petite vertuelle). Je ne parlerai pas ici contre le théologien Joseph Ratzinger, à qui je promets de donner gracieusement raison le jour où j'irai me faire brûler pour l'éternité en Enfer. Je ne critiquerai pas l'oeuvre du pape Benoît XVI, à qui nous devons tout de même de modestes avancées (radicales vues de Rome) en matière de lutte contre certains problèmes «mineurs». Je ne me prononcerai pas non plus quant au bien-fondé des rumeurs qui circulent à propos des tensions, des scandales et des complots qui peuvent avoir cours dans l'environnement silencieux (je pense ici à l'accessoire dont sont munis certaines armes de tir) du Vatican. Je n'ai pas la compétence requise pour juger de tout cela. Mais j'ai certainement celle de réagir à l'irréalité des éloges que s'est mérités un pape si soudainement bien aimé. Nous avons loué l'humilité, la sagesse et le courage avec lesquels Jean-Paul II a su, en s'acharnant à jouer jusqu'au bout son rôle, transcender sa dégénérescence physique et mentale; il faut maintenant louer l'humilité, la sagesse et le courage avec lesquels Benoît XVI a su, en renonçant à jouer son rôle jusqu'au bout, transcender le prestige surnaturel de son titre. Je commence à mieux comprendre ce qui peut rendre un pape infaillible. On louera certainement la modestie de ces ultimes paroles : « Je suis simplement un pèlerin qui commence la dernière étape de son pèlerinage sur cette terre. » Personnellement, j'ai plutôt tendance à ne voir là qu'une preuve de plus de son manque d'amour pour cette terre qu'il se prépare à quitter dans la joie, sachant très bien qu'il va trouver bien infiniment mieux ailleurs. Je sais, c'est étrange de penser comme ça. Ça doit être parce que j'ai de véritables enfants.

Ne descend-il que pour mieux remonter?

Je ne vais donc pas vous parler des Oscars, du Sommet sur l'enseignement supérieur ou de la démission du pape. Je ne suis pas assez cynique pour cela. Je n'ai pas consacré tant de pages de mon blogue à célébrer dans le rire et l'allégresse cette folle incertitude qui un jour ou l'autre aura le pouvoir de nous réunir, je n'ai pas fait tout cela pour devenir du jour au lendemain un grincheux bougon et déprimant. Que cela se sache: je suis un homme de foi. J'ai foi en l'art et en la beauté. Je crois au dialogue et à la démocratie. Je ne cesserai jamais d'espérer en une vie sensée et illuminée par la vérité. Et comme rien de ce qui est arrivé cette semaine ne me permet de parler authentiquement de tout cela, je vais m'en tenir au seul sujet véritablement émancipateur qui soit d'actualité, toujours d'actualité, à jamais d'actualité. Je vais vous parler des chats.

smart cat
Ils sont si futés!

Ils sont si mignons!

Ils sont si espiègles!

Ils sont si serviables!


Ils nous ressemblent tant!

Qu'attendons-nous pour faire comme eux?!!

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