jeudi 26 septembre 2013

La charte des normes québécoises

Salut les amis.

Je suis bien content de pouvoir vous écrire aujourd'hui. «Dieu» sait, quels que soient les «signes» auxquels on le reconnaît ou non, que nous en avons tous besoin, et plus que jamais.

Il semble bien, en effet, en ces temps de profonds « déchirements identitaires », que nous avons plus que jamais besoin, que le Québec a plus que jamais besoin d'une voix forte et rassurante, d'une voix raisonnable et rassembleuse – d'une voix comme la mienne, donc, hihihi… – pour lui dire enfin : « Assis Québec! Assis! Oui, oui, c'est ça! Bravo! Bon, bon, bon Québec à papa! C'est qui qui va donner un p'tit morceau de bacon à Québec?.. Quoi? Un autre? Encore? Alors couché maintenant! Couché! Québeeeeeec!?! Non!?! Pas de bacon!?! Ah!... Oui, oui, oui! C'est ça! Bravo Québec! Bravo! Papa est content content! »

N'est-ce pas que ça ferait du bien? Avouez…

Puisqu’il faut bien que quelqu’un se sacrifie pour la patrie, au risque de se faire lécher les mains par des millions de concitoyens dociles, c’est ce que je vais tenter de faire aujourd’hui.

Les plus perspicaces parmi vous auront déjà conclu que nous ne réfléchirons pas beaucoup aujourd'hui, vous et moi. C’est vrai, c’est vrai... Mais je crois que c’est aussi tant mieux. Parce que, voyez-vous, le Québec a un urgent besoin de cesser un peu de réfléchir. Quand le Québec réfléchit, ce n’est pas très beau à voir…

Ça vous choque ce que je dis-là? Vous vous dites qu’il y a sur mon blogues des dizaines de billets prouvant hors de tout doute que je suis bien mal placé pour me moquer de l’incapacité québécoise à réfléchir de façon pas-tout-à-fait-croche à quelque chose que ce soit? Soit. Mais sachez que je connais très bien mes limites. Sachez que JE SAIS, MOI, que je suis absolument incapable de réfléchir avec pertinence aux questions qui agitent notre conscience collective depuis quelques semaines.

Je sais, moi, contrairement à la plupart de celles et ceux qui interviennent dans les médias, que je suis beaucoup trop peu formé ou informé pour contribuer au débat; que je ne parle ni l'hébreux, ni l'arabe, ni le joual; que je n'ai jamais mis les pieds à Hérouxville ailleurs qu'à la télé ou au Moyen-Orient ailleurs que chez Adonis; que je ne suis jamais parvenu à lire au complet ne serait-ce que le titre de l'incontournable rapport Bouchard-Taylor ; que je n’ai aucune compétence pour juger de phénomènes éthiques, religieux ou juridiques complexes.

Et contrairement à la grande majorité des Québécois, cette majorité qu'on appelle à tort silencieuse, celle qui traite les autres de «moutons» ou de «pas  d’couilles», je n'arrive pas non plus à m'imaginer même vaguement ce dont pourraient avoir l'air les valeurs québécoises les plus officiellement consensuelles. Comme la fameuse égalité hommes-femmes. Je vous jure que je n'ai jamais au grand jamais de ma vie constaté cette égalité nulle part! Où ai-je donc eu la tête durant toute ma vie? Je l’ignore. Mais je sais, moi, que je l’ignore…

Le Québec n’a pas besoin de «réfléchir» à ses valeurs. Il a besoin d’obéir. Il a besoin qu’on lui dise quoi penser. Il a besoin qu’on lui donne des normes.

Les voici…

***

Charte des normes québécoises

Normes quant à la religion
1         – La religion n’existe pas en général.
2         – Les religions particulières existent quand même.
3         – Il est possible d’inventer une religion de toutes pièces pour gagner un argument même si c’est généralement mal vu.
4         – Les hobbys pratiqués consciencieusement et les lobbys pour lesquels on milite sincèrement sont des religions.
5         – Il est permis de pratiquer un hobby ou d’adhérer à un lobby.
6         – Certaines religions comportent un code esthétique original et surprenant.
7         – Le voile n’appartient pas au code esthétique des femmes musulmanes qui ne portent pas le voile.
8         – La nudité partielle appartient au code esthétique du capitalisme tardif.
9         – La camisole blanche et la queue de rat appartiennent au code esthétique radio-déchétarien.
10     – La queue de rat appartient aussi au code esthétique jedi.

Normes quant aux signes et symboles religieux
11     – Le carré rouge et la casquette du Canadien sont des signes religieux impopulaires à Québec.
12     – La croix gammée est un signe religieux impopulaire en général.
13     – L’absence de signe religieux est un signe religieux discret.
14     – Le sabre laser est un signe religieux ostentatoire.
15     – Il ne faut pas interdire à un chevalier jedi le droit de porter son sabre laser au travail.
16     – Il ne faut pas interdire à un chevalier jedi le droit de porter son sabre laser au travail.
17     – Le lapin de Pâques et le sapin de noël sont des symboles religieux païens.
18     – Une boucle d’oreille illustrée d’un croissant de lune ou une bague sertie d’une étoile de David ne sont pas des signes religieux portés par des personnes réelles.
19     – Un collier muni d’une croix discrète est un signe d’amour pour la musique country.
20     – Un collier muni d’une croix de vingt pouces de long n’est pas ergonomique.

Normes quant au patrimoine historique
21     – Les croix de chemin sont un patrimoine historique des campagnes québécoises.
22     – Les nids de poules et la corruption sont des patrimoines historiques de la ville de Montréal.
23     – L’électoralisme est un patrimoine historique du Parti Québécois.
24     – Le racisme et l’inégalité hommes-femmes sont des patrimoines historiques mondiaux.
25     – Tout patrimoine historique ne mérite pas d’être conservé.
26     – Le crucifix à l’assemblée nationale n’est pas un patrimoine historique.
27     – Le Québécois interviewé à LCN n’a généralement pas de patrimoine historique.  
28     – L’existence de Denis Lévesque devra un jour être cachée aux générations futures.
29     – L’existence des films The Phantom Menace, Attack of the Clones et Revenge of the Sith devra un jour être cachée aux générations futures.
30     – La religion jedi attend beaucoup de J. J. Abrams.

Normes quant aux communautés culturelles
31     – Il n’y a pas de races humaines.
32     – Les musulmans ne sont pas une race.
33     – Les «nèg’» ne sont pas une religion.
34     – Il ne faut pas tenter de réfléchir par soi-même au fait qu’il y a des patrimoines génétiques variables d’une population humaine à l’autre.
35     – La notion de race raciste est raciste.
36     – Les trolls sont une race raciste.
37     – Le spatioport de Mos-Eisley est reconnu pour son multiculturalisme.
38     – Le racisme et la xénophobie sont tout à fait compatibles avec le multiculturalisme.
39     – Les accommodements raisonnables devraient en principe être raisonnables.
40     – La laïcité et la neutralité de l’État n’ont pas plus besoin de couilles qu'une femme en a besoin.

Normes quant aux rapports hommes-femmes
41     – Les femmes devraient être égales aux hommes.
42     – Les femmes ne sont pas égales aux hommes.
43     – Les femmes devraient quand même être égales aux hommes.
44     – Il est plus facile d’être égal lorsqu’on est financièrement autonome.
45     – Il est plus facile d’être financièrement autonome lorsqu’on gagne de l’argent.
46     – Il est plus facile de gagner de l’argent lorsqu’on travaille.
47     – Il est plus facile de travailler lorsqu’on ne nous impose pas de restrictions arbitraires.
48     – Le port du voile permet de se prémunir contre le vent, la pluie, les bad hair days et les taloches de grands frères intégristes.
49     – La signification très approximative et discutable d’un présumé symbole de soumission, on s’en câlisse.
50     – Le personnage principal du prochain Star Wars devrait être une femme portant un voile jedi.

Normes quant à l’interprétation de la charte des normes québécoises
51     – Cette charte doit être apprise par cœur.
52     – À chaque fois que vous aurez assimilé l’une des normes de cette charte, mangez une tranche bien croustillante de bacon.
53     – Si le code esthétique de votre religion ne vous permet pas de manger du bacon, faites ce qui vous plaît (et considérez ceci comme un accommodement raisonnable).
54     – Cette charte ne doit en aucun cas être soumise à un processus de réflexion critique.
55     – Si vous êtes en désaccord avec l’une des normes de cette charte, flagellez-vous en vous imaginant Pauline Marois nue.
56     – Si vous trouvez que cette charte est contradictoire, relisez la norme 54 et flagellez-vous en vous imaginant Bernard Drainville nu.
57     – Si vous éprouvez du plaisir à vous flageller en imaginant Pauline Marois ou Bernard Drainville nus, adhérez au plus vite à une religion reconnue dans un cinéma près de chez vous.
58     – La force est avec vous.

59     – Si vous aimez cette charte, partagez-la...

Ceci n'est pas un ballon de soccer, mais une death star...


samedi 7 septembre 2013

Quand le savoir ne paie plus...

Long time no see, hein? Ça fait, quoi, plus de deux mois maintenant?.. Vous ai-je manqué?

...

Oui. C'est à vous que je parle. Vous ai-je manqué?

...

Non? Pas même un tout petit peu?

...

C'est bon, je suis un adulte. Pas besoin de m'épargner. Je suis un enseignant. Je suis capable d'en prendre...

Sachez quand même que vous m'avez manqué au plus haut point. Que l'écriture que je partage avec vous m'a manqué. Que les histoires à moitié fausses que je vous inventais chaque semaine m'ont manqué. Que la célébrité extraordinaire dont je jouissais grâce à mon blogue m'a manqué. Je fais des blagues, évidemment... Ce qui m'a manqué le plus, pour de vrai, ce sont les mots. Oui, les mots m'ont manqué, dans les deux sens du mot manquer, d'ailleurs: je me suis ennuyé des mots, mais les mots, eux, ne se sont pas vraiment ennuyés de moi. Ils ont pris des vacances. Ils sont partis en voyage. Et ne m'ont pas donné de nouvelles pendant deux mois.

Pourquoi?

J'essaierai bientôt de vous expliquer pourquoi. Je vous ferai part en long et en large des vagues vagues de mon vide intérieur estival. Je vous dirai tout, en détails, sur rien ou presque. Et je prendrai bien mon temps. C'est promis.

Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, je serai bref. Parce que je n'ai pas le temps de faire de long textes pleins d'esprit, de profondeur et de subtilités. Parce que je travaille trop fort et trop d'heures, en tant qu'enseignant au cégep, à mon début de session. Ce qui est très cocasse, voyez-vous, car nous apprenons justement aujourd'hui dans Le Devoir qu'une baisse salariale serait en vue pour les enseignants au cégep, qui verraient leur classement professionnel réévalué sous le niveau des enseignants au préscolaire, au primaire ou au secondaire, et qui perdraient la reconnaissance professionnelle de leurs diplômes de maîtrise ou de doctorat.

Parce que, semble-t-il, nous ne travaillons pas assez.

[silence]

Commençons par les arguments rationnels.

Contrairement à un enseignant au préscolaire, au primaire ou au secondaire, pour être embauché, un enseignant au cégep doit le plus souvent être titulaire d'un diplôme universitaire de deuxième, voire de troisième cycle. À cause du temps requis pour l’acquisition de ces diplômes (qu'on ne lui reconnaîtra plus désormais), un enseignant au cégep commence généralement à travailler à un âge plus avancé qu’un enseignant au préscolaire, au primaire ou au secondaire. À cause du caractère spécialisé de l’expertise dont témoignent ces diplômes (qu’on ne lui reconnaîtra plus désormais), un enseignant au cégep doit faire sa place au sein d’un département restreint plutôt que de toute une commission scolaire, et il doit donc, le plus souvent, attendre encore plus longtemps qu’un enseignant au préscolaire, au primaire ou au secondaire avant de jouir d’une sécurité d’emploi. Tous ces «retards» font en sorte qu'un enseignant au cégep ne parvient pas aussi souvent qu'un enseignant au préscolaire, au primaire ou au secondaire, à accumuler une pleine pension à la fin de sa carrière. S'en plaint-il?

Non. Parce qu'on reconnait ses diplômes... Sauf que désormais on ne les reconnaîtra plus. Et on réduira aussi son salaire de 5 %. 

Pourquoi?

...

Vous avez déjà oublié?

...

Parce qu'on vient tout juste de découvrir, après de sérieuses recherches faites entre quatre murs bien étanches, que finalement, l'enseignant au cégep travaillerait moins qu’un enseignant au préscolaire, au primaire ou au secondaire - et qu’à ce titre, il mériterait de vivre une vie moins digne, financièrement parlant...

Comment cela se peut-il, vous direz-vous?!?

Comment se peut-il qu’un enseignant au cégep puisse travailler moins quand on sait les progrès extraordinaires que peut accomplir grâce à lui, en deux ou trois ans, un étudiant fraîchement propulsé du secondaire? Notez que j'emploie ici le mot propulsé avec une ironie qui échappera presque certainement à l'étudiant propulsé en question, mais qui n'échappera probablement plus (j'aimerais dire certainement plus, mais je préfère demeurer honnête) à l'étudiant qui a obtenu son DEC. Grâce à moi. Grâce à mes cours. Grâce aux cours de mes collègues. On dira que la capacité à reconnaître l'ironie ne mérite pas d'être subventionnée par des salaires aussi décents que le mien. Soit. J'enseigne le français et la littérature. Je peux confirmer à chaque fois que j'ouvre un journal à quel point ce que j'enseigne compte peu pour notre société. Mais j'ai aussi des collègues qui enseignent le calcul différentiel ou intégral, le droit, la médecine nucléaire, la biochimie, la psychologie, la mécanique du bâtiment, le génie industriel, la comptabilité, le graphisme, les soins préhospitaliers d'urgence, la physique... Voulons-nous nous passer de tout cela? Pouvons-nous nous passer de tout cela? Aucun enseignant au préscolaire, au primaire ou au secondaire ne pourrait même rêver d'obtenir de ses élèves des progrès aussi extraordinairement rapides dans des domaines aussi spécialisés. Et c'est pourtant ce que parvient à faire l’enseignant au cégep avec la plupart de ses étudiants. Travaille-t-il moins? Je ne le crois pas.

Mais imaginons un instant que ce soit vrai. Imaginons que l'enseignant au cégep travaille aussi peu qu'on le prétend. Comment fait-il alors pour obtenir autant de progrès de ses étudiants?

Pour «comprendre» ce paradoxe, il faut se rappeler que travailler moins n’implique pas toujours nécessairement en accomplir moins. Pas quand on travaille efficacement, du moins. Et n’est-ce pas précisément à cela que peuvent «servir» les diplômes? À travailler beaucoup plus efficacement? À en faire beaucoup plus en moins de temps?

Ailleurs que dans le gouvernement actuel, ce genre d’efficacité, ça se paie…

La leçon à tirer de tout cela devrait être simple. Le savoir ne profitant plus vraiment à ceux qui le possèdent souvent le plus dans notre système d’éducation, les enseignants au cégep devraient désormais le garder pour eux-mêmes, et surtout, faire semblant de travailler bien bien fort et tout le temps tout le temps tout le temps en s’agitant beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup.

Cet homme mérite d'être multimillionnaire!
Si vous aimez, partagez.